Titre original : Straight Outta Compton
Date de sortie française : 16 septembre 2015
Réalisateur : Felix Gary Gray
Scénario : Jonathan Herman, Andrea Berloff, S. Leigh Savidge, Alan Wenkus
Directeur de la photographie : Matthew Libatique
Montage : Billy Fox
Musique : Joseph Trapanese
Durée : 2h27
Avec : O'Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell, Neil Brown Jr., Aldis Hodge, Paul Giamatti
Synopsis : En 1987, cinq jeunes hommes exprimaient leur frustration et leur colère pour dénoncer les conditions de vie de l'endroit le plus dangereux de l’Amérique avec l'arme la plus puissante qu'ils possédaient : leur musique. Voici la véritable histoire de ces rebelles, armés uniquement de leur parole, de leur démarche assurée et de leur talent brut, qui ont résisté aux autorités qui les opprimaient. Ils ont ainsi formé le groupe de rappeur des N.W.A. en dénonçant la réalité de leur quartier. Leur voix a alors déclenché une révolution sociale qui résonne encore aujourd'hui. (Source : Allociné)
Mon avis
S’il y a bien un genre qui a la côte au cinéma de nos jours, c’est le biopic. L’académie des Oscars adore en général ces films retraçant la vie de tel ou tel sportif, personnalité politique, chanteur, tueur en série, etc.
Dans la sous-catégorie des biopics sur la musique, par contre, le hip-hop est un genre qui est largement sous-représenté. Certes il y avait bien eu 8 Mile, mais on ne pouvait dans ce cas-là pas vraiment parler de biopic dans son sens premier car le film faisait certes référence à la vie de Eminem mais en la transposant dans celle du jeune B Rabbit.
Plus récemment, nous avons eu droit au film sur Notorious B.I.G qui est passé plus ou moins inaperçu (et que je n’ai d’ailleurs jamais vu) mais force est de constater que les films se penchant sur une personnalité de la culture hip-hop ne courent pas les rues.
Ceci pourrait cependant changer tout bientôt avec la sortie du film dont je vais parler aujourd’hui : Straight Outta Compton qui a fait un carton surprise aux Etats-Unis, rappelant aux grands pontes hollywoodiens qu’il y a un public derrière ce genre de production.
Qu’est-ce donc que Straight Outta Compton ? C’est tout d’abord le nom du premier album du groupe N.W.A (Niggaz Wit Attitudes), considéré unanimement comme le fondateur du gangsta rap à la fin des années 80. Premier album devenu depuis un classique mais qui avait été très critiqué à l’époque pour la violence de ses propos.
Le film va retracer la rencontre des membres emblématiques du groupe (Dr. Dre, Ice Cube, Eazy-E, MC Ren et DJ Yella), l’énorme succès de leur album, l’énergie unique qu’ils dégageaient sur scène mais également les tensions, la dissolution du groupe et les clashs qui ont suivi.
C'est à Felix Gary Gray qu'a été confiée la tâche de mettre en scène la carrière du mythique groupe Californien. Essentiellement connu pour avoir réalisé de nombreux clips (pour Ice Cube ou Jay-Z entre autres), il a également une certaine expérience du long-métrage, en témoigne le sympathique Négociateur, sorti en 1998.
En honnête faiseur qu'il est, F. Gary Gray s'en sort honorablement, malgré un début qui laissait présager le pire (une descente de police horriblement mal filmée). Il nous offre quelques longs plans pas dégueulasses et retranscrit plutôt bien la violence des banlieues de Los Angeles dans les années '80.
Le parti pris est assez évident : parler de cette success story à l'américaine en se mettant totalement du côté des membres du groupe. Le film parle d'ailleurs beaucoup des artistes et finalement peu des hommes derrière mais j'y reviendrai.
En grand fan de rap que je suis, ça a évidemment été un bonheur du début à la fin de redécouvrir en quelque sorte ce groupe que j'ai connu quand je devais avoir 10 ans et qui tournait en boucle dans mes écouteurs quand le MP3 s'est démocratisé.
Certes le film est fait avant tout pour glorifier les membres de N.W.A, certes c'est un film fait pour vendre, que ce soit les produits dérivés où S.O.C (l'album) dont une augmentation des ventes ces dernières semaines ne m'étonnerait pas (et m'enchanterais même d'ailleurs)...Le fait est que je suis tout à fait le public visé par ce film, même si je reste profondément persuadé que les personnes n'aimant pas particulièrement le hip-hop pourront aussi y trouver leur compte.
F. Gary Gray a fait le choix d'un casting composé d'illustres inconnus (à l'exception de Paul Giamatti bien entendu) pour camper Ice Cube (son fils, O'Shea Jackson Jr.), Dr. Dre (Corey Hawkins), Eazy-E (Jason Mitchell) et MC Ren (Aldis Hodge). Volonté claire, à nouveau, de mettre en lumière les artistes et pas "l'acteur qu'il y a derrière".
Alors certes, tous ne sont pas des sosies parfaits des membres originaux mais leur interprétation est vraiment satisfaisante, surtout en ce qui concerne la gestuelle.
Ice Cube et Dr. Dre n'ont évidemment pas pu reprendre leur propre rôle en raison de leur âge mais ils restent tout de même producteurs et ont clairement eu leur mot à dire sur ce dont allait parler le film, ce qui explique pourquoi celui-ci est finalement si aseptisé.
Le métrage se penche presque exclusivement sur les artistes, à l'exception du début où chaque personnage est présenté individuellement et de la fin avec l'agonie de Eazy-E.
Ne voulant certainement pas écorcher leur image, le film passe donc outre tous les problèmes de violence conjugale de Dr. Dre par exemple, où le diss entre ce dernier et Eazy-E qui n'est qu'effleuré alors que les tensions entre Ice Cube et le reste du groupe sont clairement montrées (d'ailleurs, le passage de No Vaseline est clairement l'un des meilleurs du film).
Alors certes c'est compréhensible que les deux stars n'aient pas voulu écorché leur image mais le film en devient finalement assez formaté car on idolâtre le groupe sans vraiment se pencher sur ce qui a également forgé la légende de ses membres : les clash.
Quand les artistes redeviennent humains, c'est finalement pour se presser autour du lit de mort de Eazy-E qui mourra le 26 mars 1995 du sida. L'hommage est très appuyé, peut-être un peu trop d'ailleurs, mais est assez touchant.
Le seul personnage qui est vraiment retranscrit très négativement (outre Jerry Heller pour lequel on ressentira presque de la pitié à la fin) est Suge Knight (R. Marcos Taylor), fondateur du label Death Row Records et connu pour sa manière très violente de gérer son business, usant d'intimidation pour parvenir à ses fins et qui a toujours été un personnage assez trouble (on le dit lié à la mort de Tupac sans que ça n'ait jamais été prouvé).
Je finirai par ce qui est évidemment le gros point fort du film : sa bande-son, recueil de tous les plus grand succès du groupe, de Ice Cube, de Dr. Dre et des membres emblématiques de Death Row (Tupac, Snoop Dogg). Certains titres inédits tirés du dernier album de Dr. Dre (sobrement intitulé Compton) viennent également s'ajouter à ce mélange qui ne manquera pas de provoquer un véritable orgasme auditif envers les amateurs de gangsta rap.
Straight Outta Compton est une réussite, pas exceptionnelle mais une réussite quand même. Le film retranscrit de belle manière les personnages fascinants qu'étaient les membres de N.W.A, leur énergie sur scène, leur "guerre" menée contre la police qu'ils considéraient comme discriminante envers les minorités ("Fuck Tha Police" n'est est qu'une illustration et l'affaire Rodney King étalera au grand jour ce problème quelques années plus tard) et leurs excès mais en laissant dans l'ombre certains épisodes moins glorieux de leurs carrières respectives.
Il n'en reste pas moins que le film est finalement une sorte de fantasme ultime de fan de hip-hop en général et de gangsta rap en particulier.
Tout le monde n'y trouvera pas son compte (un "clip" hip-hop de 2h20 passera sûrement mal pour les allergiques) mais on peut espérer que le succès du film ouvrira la voie à d'autres biopics du genre...espérons qu'ils soient réussis.
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