Titre : La La Land
Date de sortie française : 25 janvier 2017
Réalisateur : Damien Chazelle (également scénariste)
Photographie : Linus Sandgren
Montage : Tom Cross
Musique : Justin Hurwitz
Durée : 2h08
Avec : Ryan Gosling, Emma Stone, J.K. Simmons, John Legend, Amiée Conn, Terry Walters, Rosemarie DeWitt
Synopsis : Au cœur de Los Angeles, une actrice en devenir prénommée Mia sert des cafés entre deux auditions. De son côté, Sebastian, passionné de jazz, joue du piano dans des clubs miteux pour assurer sa subsistance.
Tous deux sont bien loin de la vie rêvée à laquelle ils aspirent…
Le destin va réunir ces doux rêveurs, mais leur coup de foudre résistera-t-il aux tentations, aux déceptions, et à la vie trépidante d’Hollywood ? (Source : Allociné)
Mon avis
Fin 2014, Damien Chazelle faisait une entrée fracassante à Hollywood avec son premier long-métrage, Whiplash (sur lequel j'avais déjà écrit un article) qui racontait la lutte d'un jeune joueur de batterie face à un professeur de musique particulièrement tyrannique. Le film avait été un gros succès critique et avait permis à J.K. Simmons de décrocher le Graal lors de la cérémonie des Oscars.
Deux ans plus tard, Chazelle reste dans le monde de la musique (et du jazz plus particulièrement) et revient avec un projet très ambitieux, un musical avec Emma Stone et Ryan Gosling dans les rôles principaux (qui se retrouvent donc pour la troisième fois après Crazy, Stupid, Love et Gangster Squad) qui est vendu comme un hommage à l'âge d'or des films musicaux des années 1960. Le genre étant tombé en désuétude, il est désormais rare de voir un réalisateur se risquer à l'exercice et les bons résultats sont encore plus rares. On se rappelle d'un certain Les Misérables, vraiment médiocre ou plus récemment du Jersey Boys de Clint Eastwood que je n'ai pas vu mais qui avait reçu d'assez mauvais retours.
Tout ça pour dire que le jeune réalisateur était attendu au tournant et après l'accueil dithyrambique qu'a reçu le film à la Mostra de Venise j'avais placé de grands espoirs en La La Land et autant mettre fin au suspense tout de suite : j'ai adoré !
Le film s'ouvre à la manière de Whiplash, sur un plan-séquence : une scène musicale sur une autoroute impressionnante de maîtrise et qui risque fortement de rester dans les mémoires. Le ton est tout de suite donné, nous avons un grand film sous les yeux !
Damien Chazelle nous démontre une fois de plus son sens du visuel, c'est toujours très beau, souvent magnifique et on peut déjà apercevoir chez le réalisateur certains "tics" de mise en scène comme les panoramiques très rapides qu'il utilisait déjà dans la scène finale de Whiplash et qu'il magnifie ici ou les gros plans sur les musiciens et leurs instruments (le piano bien sûr mais également la batterie, le saxophone) filmés avec amour en grand passionné de musique qu'est Chazelle.
Le cinéaste démontrait déjà un grand talent de mise en scène dans Whiplash et le montage était extrêmement maîtrisé, tant que ça en devenait un film de sport (on pourrait faire le rapprochement avec un film de boxe) plus qu'un film de musique. Cependant, là où Whiplash avait un rythme effréné, La La Land fait durer ses plans, notamment les chansons qui sont très souvent en plans-séquence et qui se renouvellent continuellement.
Les musiques, parlons-en d'ailleurs. Un bon film musical se doit d'avoir des compositions solides mais il faut également que celles-ci soient bien interprétées (ce qui faisait grandement défaut dans Les Misérables). Le choix de Emma Stone et Ryan Gosling porte ici ses fruits, la première ayant déjà démontré ses talents de chanteuse tandis que Gosling est membre d'un groupe de rock.
Les différentes chansons sont sublimement interprétées par l'un comme par l'autre (épaulés en plus par John Legend), mention spéciale à une scène d'audition avec Emma Stone qui a provoqué chez moi une réaction rarissime, j'ai pleuré pour la première fois depuis bien longtemps !
Et là je me permets un petit encart personnel en déclarant une nouvelle fois ma flamme à Emma Stone qui n'a été dirigée de la sorte que chez Woody Allen. Son regard et son jeu sont d'un magnétisme rare.
Et là je me permets un petit encart personnel en déclarant une nouvelle fois ma flamme à Emma Stone qui n'a été dirigée de la sorte que chez Woody Allen. Son regard et son jeu sont d'un magnétisme rare.
Comme dit plus haut, La La Land est un hommage aux grandes comédies musicales des années 50-60. On pense bien évidemment à Jacques Demy (notamment avec ce couple qui rappelle sous certains aspects celui des Parapluies de Cherbourg) mais également à Coup de Coeur de Coppola, film très peu connu du cinéaste et dont La La Land pourrait presque être vu comme un remake. Il faut de ce fait accorder à Damien Chazelle une certaine audace car ce sont des références qui se font rares de nos jours sur grand écran.
Outre l'hommage musical, le film est également un hommage au point de vue de la réalisation, Chazelle voulait en faire un vrai film musical de l'âge d'or : ceci nécessitait donc de tourner les séquences musicales en plan-séquence, exercice difficile de surcroît et pour les acteurs également.
Ryan Gosling a notamment dû apprendre à jouer au piano sans aucune fausse note pendant la durée d'une séquence entière et le résultat est vraiment très crédible, impressionnant même !
On pourra aussi noter une utilisation très bien sentie du Cinémascope dans son format original original (2.55), signe que Damien Chazelle n'a décidément rien laissé au hasard.
Difficile donc de trouver des défauts au nouveau bijou du jeune cinéaste mais en creusant un peu, on remarquera que le film présente finalement le même défaut que Whiplash, c'est-à-dire que les scènes qui ne sont pas chantées, censées donner un fil conducteur à l'histoire en plus de développer les personnages, ne sont pas vraiment intéressantes et elles souffrent clairement de la comparaison par rapport à la maestria de tout le reste. C'est ce qu'il manque encore à Damien Chazelle pour obtenir le chef-d'oeuvre absolu, une plus grande homogénéité dans son écriture. Vu son jeune âge et l'avenir radieux qui lui est promis, nul doute qu'il arrivera à corriger ça, cela n'empêche en tout cas en rien La La Land d'être un grand film.
L'essai est donc transformé pour Damien Chazelle qui nous livre un film ambitieux dans un genre qui se fait rare sur grand écran. Porté par deux acteurs dont l'alchimie à l'écran fait des merveilles et touchants comme rarement, La La Land est un vrai plaisir de cinéma, un régal pour les yeux et les oreilles. Surtout, le film est un grand bol d'air frais à l'heure des remakes et suites formatées à toutes les sauces que nous sert Hollywood.
Déjà cité parmi les favoris des prochains Oscars (Emma Stone également) et acclamé par la critique, le film a de grandes chances de profiter d'un gros buzz positif et espérons que le succès au box-office soit présent, ça encouragera peut-être d'autres réalisateurs à tenter l'expérience d'un genre qui mérite de perdurer car Damien Chazelle a prouvé qu'on pouvait encore en faire de très belles choses.