Titre : Big Eyes
Date de sortie française : 18 mars 2015 (25 mars en Suisse)
Réalisateur : Tim Burton
Scénario : Scott Alexander et Larry Karaszewski
Directeur de la photographie : Bruno Delbonnel
Musique : Danny Elfman
Durée : 1h46
Avec : Amy Adams, Christoph Waltz, Jason Schwartzman, Krysten Ritter, Danny Huston, Terence Stamp
Synopsis : Big Eyes raconte la scandaleuse histoire vraie de l’une des plus grandes impostures de l’histoire de l’art. À la fin des années 50 et au début des années 60, le peintre Walter Keane a connu un succès phénoménal et révolutionné le commerce de l’art grâce à ses énigmatiques tableaux représentant des enfants malheureux aux yeux immenses. La surprenante et choquante vérité a cependant fini par éclater : ces toiles n’avaient pas été peintes par Walter mais par sa femme, Margaret. L’extraordinaire mensonge des Keane a réussi à duper le monde entier. Le film se concentre sur l’éveil artistique de Margaret, le succès phénoménal de ses tableaux et sa relation tumultueuse avec son mari, qui a connu la gloire en s’attribuant tout le mérite de son travail. (Source : Allociné)
Petit retour sur Burton
Avant de parler du film en soi, je tenais à revenir, le temps de quelques lignes, sur un réalisateur que pratiquement tout le monde connaît, je veux bien entendu parler de Tim Burton.
Il faut dire que j'entretiens avec le personnage une "relation" qui n'est pas toujours au beau fixe. Je suis parfaitement conscient qu'il a su se forger son propre univers fantastique et gothique, reconnaissable au premier coup d’œil, et j'ai un certain respect à son égard vis-à-vis de ça. Cependant, ça fait maintenant quelques années qu'il semble perdu dans ce même univers, sans vraiment réussir à en faire quelque chose de neuf.
Si Burton est principalement connu auprès du grand public pour ses collaborations avec Johnny Depp et sa femme, Helena Bonham Carter (au point que c'en est presque devenu un running gag), ce sont véritablement ses deux films Batman qui lui ont permis de se faire un nom au début des années 1990. Il a depuis été assez prolifique, alternant le très bon (Ed Wood, Sleepy Hollow, Big Fish) et le mauvais (La Planète des Singes, l'épisode le plus ignoble de la franchise ou Alice au Pays des Merveilles qui est vraiment de mauvais goût).
De manière plus générale, j'ai vraiment l'impression que Burton est en train de s'essouffler depuis une dizaine d'années : c'est-à-dire l'époque de Charlie et la Chocolaterie et Les Noces Funèbres. Depuis, il tombe sans cesse dans l'auto-parodie avec cet univers gothique et ces personnages principaux solitaires, les yeux cernés et exposés à la méchanceté du monde extérieur (et avec toujours Johnny Depp et Helena Bonham Carter !).
Je n'ai rien contre son style gothique, c'est juste qu'il y a un fossé immense entre l'univers très mature d'un Batman et l'univers gothique tel que vu par les yeux d'un enfant de ses films récents,
Récemment, nous avons eu droit à Dark Shadows, qui avait du potentiel mais qui a été gâché, et à Frankenweenie que je n'ai pas encore eu l'occasion de voir mais dont j'ai eu de bons retours.
Avec l'annonce de Big Eyes et le retour de Burton au biopic plus de 20 ans après Ed Wood, nous étions légitimement en droit d'espérer un film qui s'écarterait enfin des sentiers tracés par le cinéaste depuis tant d'années.
Mon avis
Inspiré de faits réels, Big Eyes raconte l'histoire de Margaret Ulbrich (Amy Adams) qui quitte son mari avec sa fille pour aller vivre à San Francisco. Elle espère y trouver un travail grâce à son talent : la peinture. Les opportunités étant peu nombreuses, elle se retrouve à peindre des portraits en public qu'elle revend à des prix dérisoires.
C'est là qu'elle rencontre Walter Keane (Christoph Waltz), lui-même peintre (ou prétendu l'être), qui remarque tout de suite le talent et le style particulier de Margaret : tous ses tableaux représentent en effet des enfants avec de très grands yeux, son modèle principal étant sa propre fille.
Pour éviter d'avoir à céder la garde de sa fille, Margaret épouse Walter et prend par la même occasion son nom de famille.
Walter souhaite absolument que les peintures de sa femme soient affichées dans une galerie d'art. En voyant que les tableaux n'ont pas le succès escompté, il décide petit à petit de s'attribuer la paternité des tableaux, sachant qu'ils auront plus de succès si le public est au courant qu'ils sont l'oeuvre d'un homme. Celui-ci va petit à petit en vouloir toujours plus et Margaret va se sentir de plus en plus mal de vivre dans l'ombre et de voir son mari récolter tout le mérite à sa place.
Comme attendu, ce qui choque au premier coup d’œil dans le film est l'absence totale de la patte de Tim Burton, exit les univers loufoques. L'essentiel de l'intrigue se passe en effet à San Francisco, nous avons donc droit à certains plans quasi-inédits chez le cinéaste puisqu'il filme une ville existant réellement.
On remarque toutefois assez vite qu'il s'agit très certainement d'un des films les plus personnels de Burton quand on sait à quel point l'art (et les artistes en général) l'intéresse. Ce n'est pas non plus un hasard s'il a choisi l'histoire de Margaret Keane et de ses tableaux de filles aux grands yeux car c'est certainement la partie du corps qu'il a le plus souvent mis en avant dans sa filmographie, bon nombre de ses personnages possédant des yeux disproportionné (Les Noces Funèbres, Charlie et la Chocolaterie, Frankenweenie, même l'Etrange Noël de M. Jack dont il est scénariste).
Ainsi, même si son style ne se retrouve pas au niveau visuel, il se devine parfois aux thématiques abordées.
En raison du budget, 10 millions de dollars contre plus de 150 millions pour Alice et Dark Shadows, Burton s'est retrouvé obligé de tourner en numérique, meilleur marché, lui qui était toujours resté fidèle à la pellicule jusque-là. Il en résulte une image différente de ce qu'on a l'habitude de voir chez lui mais je dois admettre que ça rend vraiment bien à l'écran. Le mérite revient principalement à Bruno Delbonnel (qui avait déjà oeuvré chez Jean-Pierre Jeunet et les frères Coen) qui nous livre une photographie débordante de couleur, parfois à la limite du réaliste et penchant presque vers le décor de carte postale par moment (je pense notamment au passage à Hawaï).
Tout ceci est bien évidemment en raccord avec le sujet même du film, certains plans faisant véritablement penser à des tableaux vivants.
D'une manière générale, la mise en scène est assez classique, il n'y a pas vraiment d'extravagance comme on en trouve dans le reste de la filmographie de Burton. On peut même se demander si le cœur y était vraiment quand il a filmé son histoire quand on sait qu'il n'était pas censé le réaliser à la base (il devait uniquement être producteur et les deux scénaristes devaient le réaliser). Ça m'a quand même permis de me rendre compte que je dois avoir un problème avec le style Burton en général car je pense que c'est le plus beau film que j'aie vu de lui depuis Big Fish (qui était différent de ses autres films par l'image mais moins par les thématiques).
Autre fait rare chez Burton, il s'est attaché les services de deux acteurs avec qui il n'avait jamais tourné, laissant complètement de côté ses traditionnels acteurs fétiches. Il s'agit en effet de son premier film en images réelles depuis Big Fish (encore une fois !) à ne pas avoir Johnny Depp ou Helena Bonham Carter au casting. Encore une fois je trouve ça très intéressant qu'il arrive à se renouveler de ce côté-là, de plus Christoph Waltz, Amy Adams et surtout Jason Schwartzman sont des acteurs que j'apprécie énormément (même si ce dernier apparaît très peu à l'écran).
Ce choix s'avère payant car tous les acteurs jouent très bien. Amy Adams est touchante dans la peau de cette femme déchirée entre la frustration de vivre dans l'ombre de son mari et la peur de ce que ce dernier pourrait lui faire si elle révélait leur secret. Adams arrive à faire passer énormément d'émotions avec son regard, ce qui n'est pas anodin quand on est devant un film qui s'appelle Big Eyes.
Étrangement, j'ai eu un peu de mal avec le jeu de Christoph Waltz au tout début du film, sans que je n'arrive vraiment à expliquer pourquoi. J'ai trouvé qu'il cabotinait un peu et j'ai eu de la peine à m'intéresser au personnage dans les premières minutes. Ça s'arrange nettement par la suite quand il commence à être attiré par l'appât du gain et ça se termine en beauté avec son immense pétage de câble au tribunal.
Tous les autres personnages sont vraiment secondaires mais je tenais à mentionner vite fait le critique d'art John Canaday (Terence Stamp) qui est un des seuls à trouver les tableaux de Keane "honteux" et de "mauvais goût". Il tient d'ailleurs un discours intéressant en disant que ce n'est pas parce que les gens aiment que ça devient de l'art, on a peut-être ici un message subtile de Burton à ses détracteurs mais il est possible que je surinterprète, surtout que le film s'ouvre sur une citation de Warhol qui dit plus ou moins le contraire.
Danny Elfman, qui a composé la musique de quasiment tous les films de Burton, nous livre ici une partition assez discrète et qui ne restera pas dans les mémoires, bien qu'elle soit plutôt agréable.
Les chansons sont interprétées par Lana Del, dont je ne suis déjà pas fan à la base, et ne collent absolument pas au film car elles arrivent à des moments complètement improbables. Je n'ai rien contre une bonne musique durant le générique mais là ça sonnait vraiment bizarre en plus de ne pas être nécessaire.
Big Eyes est donc un film vraiment très agréable en plus d'être une bouffée d'air frais dans l'univers résolument étrange de Tim Burton. Dire qu'il commence à se racheter une crédibilité artistique avec ce film serait un peu fort, mais on sent vraiment qu'il a voulu faire quelque chose de vraiment personnel sur un sujet qui le touche vraiment.
Il y a un parti pris flagrant de Burton envers Margaret et ça se sent dans la manière dont est traité le personnage de Walter qui est souvent tourné en ridicule. La scène du tribunal, par exemple, est une des plus drôles du film de par le numéro de Christoph Waltz.
Si vous faites partie de ceux - et il y en a - qui sont allergiques au style du réalisateur, vous risquez d'en sortir agréablement surpris. Si, au contraire, vous êtes un fan, vous vous sentirez peut-être un peu dépaysé au début, mais ça ne devrait pas vous empêcher d'apprécier le film...à moins d'être complètement hermétique à l'histoire.
Il y a un parti pris flagrant de Burton envers Margaret et ça se sent dans la manière dont est traité le personnage de Walter qui est souvent tourné en ridicule. La scène du tribunal, par exemple, est une des plus drôles du film de par le numéro de Christoph Waltz.
Si vous faites partie de ceux - et il y en a - qui sont allergiques au style du réalisateur, vous risquez d'en sortir agréablement surpris. Si, au contraire, vous êtes un fan, vous vous sentirez peut-être un peu dépaysé au début, mais ça ne devrait pas vous empêcher d'apprécier le film...à moins d'être complètement hermétique à l'histoire.
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