samedi 24 octobre 2015

Seul sur Mars (2015)

Titre original : The Martian

Date de sortie française : 21 octobre 2015 (7 octobre en Suisse romande)

Réalisateur : Ridley Scott

Scénario : Drew Goddard d'après le roman Seul sur Mars (The Martian) de Andy Weir

Directeur de la photographie : Dariusz Wolski

Montage : Pietro Scalia

Musique : Harry Gregson-Williams

Durée : 2h21

Avec : Matt Damon, Jessica Chastain, Kristen Wiig, Jeff Daniels, Michael Peña, Sean Bean, Kate Mara, Sebastian Stan, Aksel Hennie, Chiwetel Ejiofor


Synopsis Lors d’une expédition sur Mars, l’astronaute Mark Watney est laissé pour mort par ses coéquipiers, une tempête les ayant obligés à décoller en urgence. Mais Mark a survécu et il est désormais seul, sans moyen de repartir, sur une planète hostile. Il va devoir faire appel à son intelligence et son ingéniosité pour tenter de survivre et trouver un moyen de contacter la Terre. A 225 millions de kilomètres, la NASA et des scientifiques du monde entier travaillent sans relâche pour le sauver, pendant que ses coéquipiers tentent d’organiser une mission pour le récupérer au péril de leurs vies. (Source : Allociné)

Mon avis


Alors qu'il est loin de faire l'unanimité avec ses dernières réalisations pourtant loin d'être à jeter, Ridley Scott revient à un genre qu'il affectionne particulièrement et qui l'a fait connaître auprès du grand public : la science-fiction.
Si pour beaucoup, Alien reste la référence lorsqu'on parle de science-fiction et du réalisateur, il ne faut pas oublier qu'on lui doit également le chef-d'oeuvre de dystopie Blade Runner.
Sa dernière excursion dans le genre, Prometheus, ne remonte qu'à 2012 mais avait énormément divisé, que ce soit les fans d'Alien ou les fans du cinéaste en soi.
Alors que Prometheus 2 est en chantier, Ridley Scott a laissé de côté sa suite pour se lancer dans l'adaptation du premier best-seller de Andy Weir dont le scénario, entièrement écrit par Drew Goddard (Cloverfield, World War Z), l'a immédiatement emballé.

Marquant le retour en force de la "hard SF" réaliste, Seul sur Mars est une véritable bouffée d'air frais parmi le nombre de productions du genre résolument tournées vers le solennel et le sérieux (Gravity et Interstellar en sont les exemples les plus récents).
Le film prend le contre-pied total des œuvres susmentionnée (mais également de son auteur lui-même, généralement assez pessimiste) en offrant une vision totalement décomplexée du genre pour un résultat absolument génial !


Le film relate les mésaventures de Mark Watney (Matt Damon), un botaniste en mission sur Mars, laissé pour mort après une tempête qui a forcé tous ses partenaires à retourner en direction de la Terre. Celui-ci se réveille le lendemain (les jours sur Mars sont comptés en Sol) et se rend compte que pour survivre, il devra cultiver de quoi se nourrir.
Lorsqu'il réussit enfin à contacter la Terre, ceux-ci se rendent compte qu'une course contre la montre vient de se lancer pour retourner sauver Watney qui est désormais seul sur la planète rouge à plus de 225 millions de kilomètres de la Terre.

Alors que les circonstances ouvraient clairement les portes à quelque chose de dramatique, le film adopte intentionnellement un ton très léger et nous montre Watney affronter les épreuves qu'il endure avec une bonne humeur magnifiquement transmise au spectateur via le carnet de bord qu'il tient grâce aux différentes caméras présentes dans la base scientifique installée sur Mars.
Le film est très bien écrit et dose à la perfection l'humour qui est omniprésent mais sans jamais tomber dans la dédramatisation. On peut également compter sur un casting très bien dirigé avec en tête un Matt Damon qui a l'air de ne pas avoir pris autant son pied depuis longtemps. Tout le monde se rallie à la cause de Watney et il n'a a pas vraiment d'antagoniste dans le film si ce n'est la planète Mars en soi.

Tel le réalisateur extrêmement pictural qu'il est, Ridley Scott sublime son film en proposant des plans de la planète rouge tous plus beaux les uns que les autres avec notamment de gigantesques plans zénitaux qui ne font que renforcer encore plus l'isolement de ce pauvre Watney.
Scott s'est à nouveau attaché les services de son directeur de la photographie depuis Prometheus, Dariusz Wolski, qui a également réalisé un magnifique travail avec ces tons très chaleureux et orangés (qui n'est pas sans rappeler ce qui avait été fait sur Fury Road) donnés à Mars où, paradoxalement, pratiquement tout peut vous tuer. Il y oppose de plus de manière criante toutes les scènes sur Terre, au centre de la NASA, qui sont très froides comme pour représenter l'espoir qui s'amenuise chez les responsable du programme spatial américain.


Un film, c'est un tout, c'est pour ça que je voulais aussi mettre en avant le super travail de montage de Pietro Scalia : c'est dynamique, hyper cohérent et il n'y a aucune baisse de rythme de tout le film, je mets réellement quiconque au défi de s'ennuyer ne serait-ce qu'une minute pendant les 2h20 que dure le métrage...clairement une des plus grandes réussites du film !
Dans les très bons points aussi : la musique de Harry Gregson-Williams, entraînante par moment, souvent épique mais sans tomber dans les grosses percussions à la Zimmer, il se permet même d'insérer du ABBA sans jamais tomber dans le kitsch (car c'est en raccord avec un running gag du film concernant les goûts musicaux du personnage de Jessica Chastain).

Retour en force donc pour Ridley Scott qui nous offre certainement un des films de science-fiction les plus enthousiasmants de ces dernières années. Avec Seul sur Mars, le cinéaste nous livre son "Seul au Monde" décomplexé et complètement optimiste saupoudré d'un Matt Damon qui fait plaisir à voir et de visuels à couper le souffle. Loin du sérieux d'un Interstellar tout en conservant cet aspect réaliste inhérent à la hard SF, le film plaira certainement au plus grand nombre qui appréciera certainement ce voyage à des millions de kilomètres de notre planète bleue.


dimanche 4 octobre 2015

N.W.A : Straight Outta Compton (2015)


Titre original : Straight Outta Compton


Date de sortie française : 16 septembre 2015

Réalisateur : Felix Gary Gray

Scénario : Jonathan Herman, Andrea Berloff, S. Leigh Savidge, Alan Wenkus

Directeur de la photographie : Matthew Libatique

Montage : Billy Fox

Musique : Joseph Trapanese

Durée : 2h27

Avec : O'Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell, Neil Brown Jr., Aldis Hodge, Paul Giamatti


Synopsis En 1987, cinq jeunes hommes exprimaient leur frustration et leur colère pour dénoncer les conditions de vie de l'endroit le plus dangereux de l’Amérique avec l'arme la plus puissante qu'ils possédaient : leur musique. Voici la véritable histoire de ces rebelles, armés uniquement de leur parole, de leur démarche assurée et de leur talent brut, qui ont résisté aux autorités qui les opprimaient. Ils ont ainsi formé le groupe de rappeur des N.W.A. en dénonçant la réalité de leur quartier. Leur voix a alors déclenché une révolution sociale qui résonne encore aujourd'hui. (Source : Allociné)


Mon avis


S’il y a bien un genre qui a la côte au cinéma de nos jours, c’est le biopic. L’académie des Oscars adore en général ces films retraçant la vie de tel ou tel sportif, personnalité politique, chanteur, tueur en série, etc. 

Dans la sous-catégorie des biopics sur la musique, par contre, le hip-hop est un genre qui est largement sous-représenté. Certes il y avait bien eu 8 Mile, mais on ne pouvait dans ce cas-là pas vraiment parler de biopic dans son sens premier car le film faisait certes référence à la vie de Eminem mais en la transposant dans celle du jeune B Rabbit
Plus récemment, nous avons eu droit au film sur Notorious B.I.G qui est passé plus ou moins inaperçu (et que je n’ai d’ailleurs jamais vu) mais force est de constater que les films se penchant sur une personnalité de la culture hip-hop ne courent pas les rues. 

Ceci pourrait cependant changer tout bientôt avec la sortie du film dont je vais parler aujourd’hui : Straight Outta Compton qui a fait un carton surprise aux Etats-Unis, rappelant aux grands pontes hollywoodiens qu’il y a un public derrière ce genre de production. 

Qu’est-ce donc que Straight Outta Compton ? C’est tout d’abord le nom du premier album du groupe N.W.A (Niggaz Wit Attitudes), considéré unanimement comme le fondateur du gangsta rap à la fin des années 80. Premier album devenu depuis un classique mais qui avait été très critiqué à l’époque pour la violence de ses propos. 
Le film va retracer la rencontre des membres emblématiques du groupe (Dr. Dre, Ice Cube, Eazy-E, MC Ren et DJ Yella), l’énorme succès de leur album, l’énergie unique qu’ils dégageaient sur scène mais également les tensions, la dissolution du groupe et les clashs qui ont suivi.


C'est à Felix Gary Gray qu'a été confiée la tâche de mettre en scène la carrière du mythique groupe Californien. Essentiellement connu pour avoir réalisé de nombreux clips (pour Ice Cube ou Jay-Z entre autres), il a également une certaine expérience du long-métrage, en témoigne le sympathique Négociateur, sorti en 1998.
En honnête faiseur qu'il est, F. Gary Gray s'en sort honorablement, malgré un début qui laissait présager le pire (une descente de police horriblement mal filmée). Il nous offre quelques longs plans pas dégueulasses et retranscrit plutôt bien la violence des banlieues de Los Angeles dans les années '80.
Le parti pris est assez évident : parler de cette success story à l'américaine en se mettant totalement du côté des membres du groupe. Le film parle d'ailleurs beaucoup des artistes et finalement peu des hommes derrière mais j'y reviendrai.

En grand fan de rap que je suis, ça a évidemment été un bonheur du début à la fin de redécouvrir en quelque sorte ce groupe que j'ai connu quand je devais avoir 10 ans et qui tournait en boucle dans mes écouteurs quand le MP3 s'est démocratisé.
Certes le film est fait avant tout pour glorifier les membres de N.W.A, certes c'est un film fait pour vendre, que ce soit les produits dérivés où S.O.C (l'album) dont une augmentation des ventes ces dernières semaines ne m'étonnerait pas (et m'enchanterais même d'ailleurs)...Le fait est que je suis tout à fait le public visé par ce film, même si je reste profondément persuadé que les personnes n'aimant pas particulièrement le hip-hop pourront aussi y trouver leur compte.


F. Gary Gray a fait le choix d'un casting composé d'illustres inconnus (à l'exception de Paul Giamatti bien entendu) pour camper Ice Cube (son fils, O'Shea Jackson Jr.), Dr. Dre (Corey Hawkins), Eazy-E (Jason Mitchell) et MC Ren (Aldis Hodge). Volonté claire, à nouveau, de mettre en lumière les artistes et pas "l'acteur qu'il y a derrière".
Alors certes, tous ne sont pas des sosies parfaits des membres originaux mais leur interprétation est vraiment satisfaisante, surtout en ce qui concerne la gestuelle.

Ice Cube et Dr. Dre n'ont évidemment pas pu reprendre leur propre rôle en raison de leur âge mais ils restent tout de même producteurs et ont clairement eu leur mot à dire sur ce dont allait parler le film, ce qui explique pourquoi celui-ci est finalement si aseptisé.
Le métrage se penche presque exclusivement sur les artistes, à l'exception du début où chaque personnage est présenté individuellement et de la fin avec l'agonie de Eazy-E.

Ne voulant certainement pas écorcher leur image, le film passe donc outre tous les problèmes de violence conjugale de Dr. Dre par exemple, où le diss entre ce dernier et Eazy-E qui n'est qu'effleuré alors que les tensions entre Ice Cube et le reste du groupe sont clairement montrées (d'ailleurs, le passage de No Vaseline est clairement l'un des meilleurs du film).
Alors certes c'est compréhensible que les deux stars n'aient pas voulu écorché leur image mais le film en devient finalement assez formaté car on idolâtre le groupe sans vraiment se pencher sur ce qui a également forgé la légende de ses membres : les clash.


Quand les artistes redeviennent humains, c'est finalement pour se presser autour du lit de mort de Eazy-E qui mourra le 26 mars 1995 du sida. L'hommage est très appuyé, peut-être un peu trop d'ailleurs, mais est assez touchant.
Le seul personnage qui est vraiment retranscrit très négativement (outre Jerry Heller pour lequel on ressentira presque de la pitié à la fin) est Suge Knight (R. Marcos Taylor), fondateur du label Death Row Records et connu pour sa manière très violente de gérer son business, usant d'intimidation pour parvenir à ses fins et qui a toujours été un personnage assez trouble (on le dit lié à la mort de Tupac sans que ça n'ait jamais été prouvé).

Je finirai par ce qui est évidemment le gros point fort du film : sa bande-son, recueil de tous les plus grand succès du groupe, de Ice Cube, de Dr. Dre et des membres emblématiques de Death Row (Tupac, Snoop Dogg). Certains titres inédits tirés du dernier album de Dr. Dre (sobrement intitulé Compton) viennent également s'ajouter à ce mélange qui ne manquera pas de provoquer un véritable orgasme auditif envers les amateurs de gangsta rap.

Straight Outta Compton est une réussite, pas exceptionnelle mais une réussite quand même. Le film retranscrit de belle manière les personnages fascinants qu'étaient les membres de N.W.A, leur énergie sur scène, leur "guerre" menée contre la police qu'ils considéraient comme discriminante envers les minorités ("Fuck Tha Police" n'est est qu'une illustration et l'affaire Rodney King étalera au grand jour ce problème quelques années plus tard) et leurs excès mais en laissant dans l'ombre certains épisodes moins glorieux de leurs carrières respectives.
Il n'en reste pas moins que le film est finalement une sorte de fantasme ultime de fan de hip-hop en général et de gangsta rap en particulier.
Tout le monde n'y trouvera pas son compte (un "clip" hip-hop de 2h20 passera sûrement mal pour les allergiques) mais on peut espérer que le succès du film ouvrira la voie à d'autres biopics du genre...espérons qu'ils soient réussis.