jeudi 14 janvier 2016

Les Huit Salopards (2016)

Titre original : The Hateful Eight

Date de sortie française : 6 janvier 2016

Réalisateur : Quentin Tarantino (également scénariste)

Directeur de la photographie : Robert Richardson

Montage : Fred Raskin

Musique : Ennio Morricone

Durée : 2h47 (3h07 dans sa version 70mm)

Avec : Samuel L. Jackson, Kurt Russell, Jennifer Jason Leigh, Walton Goggins, Demián Bichir, Tim Roth, Michael Madsen, Bruce Dern, James Parks, Channing Tatum




Synopsis Quelques années après la Guerre de Sécession, le chasseur de primes John Ruth, dit Le Bourreau, fait route vers Red Rock, où il conduit sa prisonnière Daisy Domergue se faire pendre. Sur leur route, ils rencontrent le Major Marquis Warren, un ancien soldat lui aussi devenu chasseur de primes, et Chris Mannix, le nouveau shérif de Red Rock. Surpris par le blizzard, ils trouvent refuge dans une auberge au milieu des montagnes, où ils sont accueillis par quatre personnages énigmatiques : le confédéré, le mexicain, le cowboy et le court-sur-pattes. Alors que la tempête s’abat au-dessus du massif, l’auberge va abriter une série de tromperies et de trahisons. L’un de ces huit salopards n’est pas celui qu’il prétend être ; il y a fort à parier que tout le monde ne sortira pas vivant de l’auberge de Minnie… (Source : Allociné)


Mon avis


La sortie d'un Tarantino est toujours un événement d'envergure pour les cinéphiles. Le réalisateur tennesséen a su, au fil des années, se forger un style unique et s'attirer le respect de ses paires.
Déjà trois ans se sont écoulés depuis Django Unchained (le rythme habituel de Tarantino étant donné que celui.ci est également scénariste de tous ses films) et QT avait annoncé très tôt qu'il resterait dans le genre du western qu'il avait réussi à sublimer avec son précédent film.

Pourtant, tout n'était pas gagné d'avance, on se souvient de la fuite du scénario qui avait eu lieu début 2014 et qui avait tellement énervé Quention Tarantino qu'il avait décidé de laisser tomber le projet.
Cependant, une lecture publique avec les acteurs pressentis a tout de même eu lieu plus tard dans l'année et, finalement, Tarantino décide de quand même tourner le long-métrage après avoir retravaillé le scénario.

Pour sa huitième réalisation, Tarantino a pris le pari très risqué de tourner en 70mm Panavision format très large pratiquement tombé dans l'oubli et qui avait fait les beaux jours de films mythiques tels que Lawrence d'Arabie ou Ben Hur pour ne citer qu'eux.
En connaissant l'amour de Tarantino pour la pellicule, ce choix fait sens et je pense qu'il n'y a aujourd'hui pas un réalisateur plus à même de maîtriser ce format.


Laissant de côté l'aridité de Django Unchained, QT nous emmène ici dans la neige et le blizzard du Wyoming où John Ruth (Kurt Russell), un chasseur de primes, est en route vers Red Rock où il doit livrer la dangereuse criminelle Daisy Domergue (Jennifer Jason Leigh) dont la tête est mise à prix pour 15'000 dollars. Sur sa route, il va croiser le chemin du Major Warren (Samuel L. Jackson), également chasseur de primes, et de Chris Mannix (Walton Goggins), le nouveau shérif de Red Rock.
En raison de la tempête, ceux-ci sont obligés de faire une escale dans un chalet où ils tombent sur 4 autres personnes. Ils vont vite se rendre compte qu'une des personnes en question n'est pas celle qu'elle dit être et est de mèche avec Domergue dans le but de la libérer et lui éviter la corde.

Les Huit Salopards est donc un huis clos très paranoïaque avec ces 8 individus qui ne se font absolument pas confiance coincés dans une bâtisse . Les idéologies du western sont certes là, mais Tarantino a clairement filmé son histoire à la manière d'un film d'horreur, impossible de ne pas ressentir l'influence du cinéma de Carpenter (surtout quand, en plus, ça se passe dans la neige et que Kurt Russell est présent).
L'excellente bande-son de Ennio Morricone va d'ailleurs également dans ce sens-là, en atteste cette incroyable piste d'ouverture qui accompagne un très long plan tout aussi fabuleux sur le Christ crucifié avant de voir apparaître la diligence. En un seul plan, en une seule note, Tarantino et Morricone nous plongent dans l'histoire.

Niveau références, c'est peut-être le film de Tarantino qui en fait le moins, on peut certes faire un rapprochement évident avec La Chevauchée des Bannis ou Le Grand Silence mais dans l'ensemble c'est plutôt dans le propre cinéma de QT qu'il faudra chercher les influences.
A ce niveau, c'est clairement de Reservoir Dogs que se rapproche le plus des Huit Salopards, on retrouve des personnages qui discutent dans un espace clôt avant de basculer dans la violence propre au cinéaste. On retrouve d'ailleurs Michael Madsen et Tim Roth, respectivement Mr. Blonde et Mr. Orange de Reservoir Dogs...une manière pour Quentin Tarantino de boucler la boucle en quelque sorte.


Comme tout film de Tarantino, les dialogues et les personnages sont savoureusement écrits, peut-être même encore plus que dans ses anciens films. Les personnages ont ça d'intéressant qu'il n'y a pas vraiment de héros dans l'histoire, ce sont tous plus ou moins des salauds attirés par l'appât du gain. Il n'y a finalement que O.B, le cocher (James Parks) qui entraîne de la sympathie et s'il y a un personnage auquel il faudrait s'identifier, je pense que ce serait lui.

Comme je l'ai dit, l'écriture de Quentin Tarantino fait à nouveau des merveilles, d'un côté le film raconte beaucoup de choses sur l'Amérique post-sécession avec les tensions toujours présentes entre les nordistes et les sudistes ainsi que le racisme (thème déjà largement abordé dans Django Unchained), mais en plus il s'écarte des clichés habituels de la narration, ce qui rend le film très imprévisible...il est difficile de savoir à l'avance qui va se faire descendre et à quel moment, tout peut arriver !

C'est pour ça que le film, malgré sa longueur, reste passionnant. On est toujours en train d'essayer de deviner qui est qui et quelles sont les intentions dans l'esprit des personnages. Et quels personnages d'ailleurs ! On connaît la géniale direction d'acteurs de QT et Les Huit Salopards ne déroge pas à la règle. Samuel L. Jackson est, comme toujours chez le cinéaste, parfait ; il nous offre d'ailleurs à nouveau un monologue d'anthologie, peut-être le plus violent qu'on ait vu chez Tarantino.
Kurt Russell a une trogne énorme et ça fait vraiment plaisir de le revoir dans une production de ce type. Tim Roth est génial, rempli d'ironie et de fausse légèreté, je soupçonne d'ailleurs Tarantino d'avoir écrit son rôle pour Christoph Waltz car on a vraiment l'impression de le voir à l'écran à certains moments.

Le personnage le plus intéressant est peut-être finalement celui de Jennifer Jason Leigh car, là encore, Tarantino prend le contre-pied de ses personnages féminins forts habituels (on repense à Kill Bill, à Jackie Brown) en en faisant un punching-ball qui va prendre des poings, du sang, du ragoût dans la figure sans jamais broncher. Elle a peu de dialogues mais c'est le personnage qui fait passer le plus de choses par son jeu.


Comme je l'ai déjà dit, l'utilisation du 70mm était un véritable défi pour Tarantino, surtout pour filmer un huis-clos. Le format est généralement très bien adapté pour filmer les grands espaces et QT le fait à la merveille dans la première partie (encore une fois, la scène d'introduction est juste sublime). Cependant, c'est vraiment lors des scènes en intérieur que le réalisateur innove en réussissant à filmer cet espace clos sous à peu près tous les angles possibles. Chaque cadre est choisi à la perfection et la largeur du format permet d'avoir plusieurs protagonistes à l'écran sans jamais l'encombrer. La profondeur de champ est aussi assez dingue et Tarantino joue beaucoup là-dessus pour mettre en évidence certains de ses personnages par rapport à d'autres.

L'évolution des relations entre les personnages passe également par la mise en scène : au début, il y a beaucoup de gros plans sur leurs visages et, au fur et à mesure que les tensions montent, que le doute s'installe, les cadres sont de plus en plus larges et il y a très souvent plus d'un personnage à l'écran.
On voit ici une très claire volonté de Tarantino de raconter son histoire par l'image autant que par les dialogues. Je trouve d'ailleurs que le la réalisation du cinéaste tennesséen n'a jamais été récompensée à sa juste valeur car son cinéma c'est vraiment un tout et ce n'est pas demain la veille qu'on retrouvera un réalisateur comme Quentin Tarantino, autant amoureux que lui du cinéma et autant généreux dans ce qu'il montre à l'écran.


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