dimanche 31 janvier 2016

The Revenant (2016)

Titre : The Revenant

Date de sortie française : 24 février 2016 (27 janvier en Suisse romande)

Réalisateur : Alejandro Gonzáles Iñárritu

Scénario : Mark L. Smith et Alejandro Gonzáles Iñárritu (basé en partie sur le roman de Michael Punke)

Directeur de la photographie : Emmanuel Lubezki

Montage : Stephen Mirrione

Musique : Alva Noto et Ryuichi Sakamoto

Durée : 2h36

Avec : Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson, Will Poulter, Forrest Goodluck, Paul Anderson, Kristoffer Joner, Joshua Burge

Synopsis Dans une Amérique profondément sauvage, Hugh Glass, un trappeur, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et porté par l’amour qu’il voue à sa femme et à leur fils, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption. (Source : Allociné)


Mon avis


Dire que j'attendais The Revenant serait se targuer d'un bel euphémisme, tant j'attendais le retour de Alejandro G. Iñárritu même pas un an après son Birdman qui m'avait déjà soufflé par sa maîtrise (j'en parlais d'ailleurs ici lors de sa sortie).
Il était donc clair que voir le réalisateur s'attaquer au western survival avec Leonardo DiCaprio et Tom Hardy au casting réveillait en moi une attente qui a enfin été comblée avec la sortie en salle du nouveau long-métrage de l'auteur mexicain.

Il faut tout d'abord rappeler que le tournage s'est étendu sur plus de 9 mois en raison de l'abnégation de Iñarritu et de son chef opérateur Emmanuel Lubezki de filmer uniquement en lumière naturelle, limitant le temps de tournage à un maximum de 1h30 par jour. Il a en plus fallu ajouter à ça les caprices de la météo et du climat en général quand ils ont été contraint de délocaliser le tournage en Amérique du Sud en raison du manque de neige au Canada malgré la saison pourtant propice.
C'est ainsi que le tournage a pris fin en août 2015 alors que le projet était déjà dans les petits papiers d'Iñarritu bien avant l'oscarisé Birdman.

Maintenant, en tant que spectateur, je vais bien entendu donner mon avis sur le produit final, ma principale crainte était surtout de voir un film beau mais vide, se rapprochant plus de l'exercice de style sans avoir grand-chose pour meubler. Verdict ?


Déception il n'y a en tout cas pas ! Je savais que le film serait beau mais là on atteint un point où chaque plan m'a donné envie de prendre une télécommande et de faire un arrêt sur image. Le mérite revient bien évidemment au réalisateur, qui tenait absolument à tourner dans ces contrées sauvages, mais également (et surtout), à la photographie à tomber par terre de Emmanuel Lubezki qui arrive toujours à capter la beauté la plus pure de chaque paysage qu'il a devant les yeux.
Le chef opérateur est décidément fait pour travailler avec des auteurs comme Alejandro G. Iñárritu ou Alfonso Cuarón, tant sa photographie se lie parfaitement au cinéma des deux réalisateurs mexicains.
Dans The Revenant, la réalisation atteint une maestria encore plus poussée que dans Birdman qui se déroulait dans un espace restreint, essentiellement constitué de couloirs et de grandes pièces. Ici, chaque long plan, chaque plan-séquence est une leçon de construction avec cette caméra qui suit les personnages et dont chaque mouvement amène un nouvel élément à l'action.
Une des premières scènes du film, où les trappeurs se font attaquer par les indiens, en est un parfait exemple : la caméra va nous emmener d'un personnage à l'autre et chercher avec nous la provenance du danger avant de s'emballer et de zigzaguer entre les arbres pendant qu'une grande partie de l'équipe est décimée par les flèches des assaillants.

Au vu des premières minutes du film, on pourrait s'attendre à un film sans aucun temps-mort, comme c'était le cas dans Birdman, il s'avère que Iñarritu prend cette fois-ci le temps de se poser et c'est ça qui fait la grande force du métrage. Les plus beaux moments sont clairement ceux où la caméra se pose, devient plus flottante et se désintéresse parfois même complètement du personnage de DiCaprio. Ces moments où on entre dans les rêves de Hugh Glass, bien que cassant un peu le rythme, sont d'excellents exemples de ce que j'entends par là. On pense ici à ce que fait Terrence Malick (principalement dans Le Nouveau Monde) où on se détache du récit pour atteindre un niveau plus mystique.
Tout ce rapport de l'homme à la nature est d'ailleurs un thème cher à Malick et est très présent dans The Revenant. La présence de Lubezki (chef opérateur de Malick depuis Le Nouveau Monde justement) à la photographie n'est certainement pas étrangère à cet élan très malickien qui ressort de certaines séquences.


Le film s'annonçait comme assez viscéral, il ne l'est finalement pas tant que ça. Il y a certes des scènes d'une violence très graphique, l'attaque de l'ours est très impressionnante et dure le temps d'un plan-séquence de plusieurs minutes, mais de manière générale on est plutôt spectateur de la survie et de la quête de vengeance de Hugh Glass dès le moment où il est laissé pour mort et que son fils est tué par un des trappeurs de son équipe, John Fitzgerald (Tom Hardy).

Survie et vengeance, c'est un peu de la sorte que l'on pourrait séparer les deux parties principales du film, avec la composante survival occupant bien le trois-quart du métrage. La partie où Glass se lance véritablement à la poursuite directe de Fitzgerald n'occupe grosso modo que la dernière demi-heure du film et je n'ai pas trouvé que c'était la plus réussie. Je pense même que le film aurait gagné à éclipser totalement cette dernière partie plus manichéenne, moins intéressante et moins belle que le reste.

Si le fait de voir Glass lutter pour avancer pendant la grande majorité du fait pourrait sembler barbant, dans les faits il s'avère que même si le film avait duré 3h, je ne me serais jamais lassé, tant la réalisation arrive à sublimer chaque séquence. De plus, l'enjeu du film n'est pas tant de savoir si Hugh Glass va arriver vivant à sa destination, ça semble évident, mais plutôt de comment il va y arriver et quels dangers il va devoir affronter.
Et tout ça fonctionne car on s'attache au personnage, on vit ses péripéties. Leonardo DiCaprio est, comme souvent, excellent et sa quantité restreinte de dialogue l'oblige à axer son jeu principalement sur le regard et son corps de manière générale.

Le reste du casting n'est pas en reste, le personnage de Tom Hardy est un connard fini mais on a de la peine à totalement le détester car ses motivations (l'argent principalement) ne sont pas dénuées de sens et font en quelque sorte écho au capitalisme moderne où les paysages tels que ceux vu dans The Revenant se font de plus en plus rare en raison de l'exploitation des ressources naturelles.


Le montage son vient apporter sa pierre à l'édifice avec une musique très présente mais sans être envahissante (bien qu'assez répétitive malheureusement). Je trouve qu'Iñarritu a parfaitement su choisir les scènes dans lesquelles la musique était importante ou non. La scène de l'ours se passe sans aucune musique par exemple, toute la séquence étant rythmée par les grognements et les hurlements, c'est viscéral...et c'est génial !
Sans rester dans les annales, la musique me sera au moins restée dans la tête de longues heures après le visionnage, principalement les quelques notes de violon qui parsèment le film d'un ton assez mélancolique.

The Revenant est une vraie expérience de cinéma, très sensorielle et belle à en tomber. C'est ce pourquoi j'attendais le film et c'est ce que j'ai reçu. Celui-ci à mes yeux encore plus abouti que Birdman et d'une maîtrise folle pratiquement du début jusqu'à la fin (encore une fois, j'émets quelques réserves sur la dernière partie).
Le film est un exemple de plus qui montre que le perfectionnisme de son auteur n'est pas une tare si le résultat est admirable de la sorte. C'est pour ça que je ne comprendrai jamais les critiques qui qualifient Alejandro G. Iñarritu de prétentieux, j'ai rarement entendu l'adjectif être utilisé pour David Fincher par exemple...

L'histoire de Hugh Glass en soi est assez extraordinaire (bien que romancée pour les besoins du cinéma, mais il n'y a que peu de documents qui relatent précisément ce qu'il a traversé) et je pense qu'il s'agit d'une de celles qu'il fallait raconter car elle raconte en plus de belles choses sur la conquête de l'ouest et sur cette nature qui perd année après année en ampleur.
Iñarritu ne s'y trompe d'ailleurs pas, en témoigne ce regard caméra final de DiCaprio qui prend le spectateur comme témoin de son aventure afin que celle-ci perdure...


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