samedi 11 février 2017

Silence (2017)

Titre : Silence

Date de sortie française : 8 février 2017

Réalisateur : Martin Scorsese

Scénario : Jay Cocks et Martin Scorsese, d'après le livre de Shûsaku Endô

Photographie : Rodrigo Prieto

Montage : Thelma Schoonmaker

Musique : Kathryn Kluge et Kim Allen Kluge

Durée : 2h41

Avec : Andrew Garfield, Adam Driver, Liam Neeson, Tadanobu Asano, Ciarán Hinds, Issei Ogata, Shin'ya Tsukamoto, Yoshi Oida, Yôsuke Kubozuka


Synopsis XVIIème siècle, deux prêtres jésuites (Andrew Garfield et Adam Driver) se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira (Liam Neeson), disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme.Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves. (Source : Premiere.fr)


Mon avis


La sortie d'un nouveau film de Martin Scorsese est toujours un événement, le réalisateur new-yorkais est en effet très apprécié auprès des cinéphiles et après son sublime Le Loup de Wall Street, il était attendu au tournant pour l'aboutissement d'un projet qu'il cogitait depuis près de 30 ans.
Le papa de Taxi Driver et des Affranchis est principalement connu auprès du grand public grâce à ses histoires de gangsters et de personnages en marge de la société qui finissent par connaître la déchéance. Cependant, même s'il n'a abordé le thème de la religion de manière directe que dans deux films jusque-là (La dernière tentation du Christ et Kundun), celle-ci se retrouve dans à peu près tous les films qu'a tourné Scorsese avec des chemins de croix, et autres réminiscences de Judas.

Avec Silence (qui avait d'ailleurs déjà été adapté en 1971 par Masahiro Shinoda), Scorsese conclut donc sa trilogie sur la foi et on pouvait placer de grands espoirs sur ce film très personnel vu sa longue genèse. Au final, on peut donc être un peu déçu de se retrouver devant un film si bancal qui présente de nombreuses belles choses mais se perd parfois dans des lourdeurs et des fautes de goût qui font que l'on ressort de ces 2h40 avec un arrière-goût d'inachevé dans la bouche.


Ce n'est un secret pour personne, Martin Scorsese est un grand fan du cinéma asiatique, le voir retranscrire le Japon du XVIIème siècle à l'écran est d'ailleurs ce qui fait la plus grande réussite du film : c'est formellement impeccable ! Dès la première scène du film on se retrouve avec des compositions de plans sur plusieurs couches qu'un certain Akira Kurosawa n'aurait pas renié : c'est beau, c'est brumeux, la première impression est vraiment bonne.
Et puis il y a tout le travail de reconstitution qui est vraiment réussi, le film a beau avoir été tourné à Taïwan, l'architecture et les décors renvoient totalement à la culture nippone. Le tout est souligné par la très belle photographie de Rodrigo Prieto (qui opérait déjà sur Le Loup de Wall Street) mettant à l'honneur ces paysages parfois très vastes.

Le souci principal du film est donc à chercher ailleurs : celui-ci est profondément ennuyant durant toute sa première heure. On se retrouve donc balancé avec les pères Rodrigues (Andrew Garfield) et Garupe (Adam Driver) au cœur de ce Japon hostile au christianisme qui recherche activement ses fidèles pour les pousser à l'apostasie sans quoi ceux-ci sont torturés et exécutés (le fait de tuer au nom de dieu renvoie d'ailleurs de manière assez évidente à ce qu'il se passe de nos jours dans le monde avec l'extrémisme religieux). Le problème c'est que je n'avais pas d'attache particulière avec le personnage de Rodrigues et que Andrew Garfield a de la peine à porter le film à lui seul. Adam Driver n'a finalement qu'un rôle assez secondaire alors que je trouve son personnage bien plus intéressant de par le rapport qu'il a envers sa foi (Liam Neeson apparaît encore moins). Nous sommes donc confrontés aux doutes de Rodrigues face au silence de dieu, ce qui aurait pu être profondément passionnant s'il n'y avait pas certaines lourdeurs pour venir ternir le tableau. 


Une première faute de goût qu'on pourrait reprocher au film est cette voix-off qui intervient à plusieurs moments du film (jusqu'à être carrément remplacée vers la fin) et qui brise du coup ce silence que Scorsese s'est donné la peine de respecter en limitant au maximum la musique extradiégétique. Cette lourdeur dispensable m'a sortie du film à plusieurs moments, heureusement qu'elle se fait plus discrète dans la seconde partie. Un tournant majeur a lieu lorsque Rodrigues contemple son reflet dans l'eau et voit venir s'y superposer le visage de Jésus (séquence d'un goût une nouvelle fois assez douteux, un certain Paul Verhoeven représentait la figure sacrée de Rutger Hauer de manière bien plus subtile dans La Chair et le Sang). Dès ce moment, le film devient plus intéressant mais tombe dans d'autres travers tels ces interminables tunnels de dialogues qui se répètent souvent pour dire la même chose. Le spectateur l'a compris depuis un moment : on est face à un dialogue de sourd entre les bouddhistes et les chrétiens qui ne veulent pas entendre la position de l'un et l'autre.

Il faut reconnaître à Scorsese un effort pour ne pas tomber dans le manichéisme et le discours trop orienté (le personnage de Tadanobu Asano est d'ailleurs intéressant à ce niveau). Cependant, la dernière partie du film me pose un problème à ce niveau-là quand Rodrigues se retrouve malgré lui obligé d'apostasier après avoir enfin retrouvé le père Ferreira (Liam Neeson) qui lui force lui-même la main afin d'épargner la vie de quelques fidèles. On pourrait croire à ce moment-là que Scorsese prend finalement le parti des Japonais afin d'équilibrer la balance mais la mise en scène autour du personnage de Liam Neeson jette le doute sur la sincérité de ses propos, tout comme le plan final annule en quelque sorte tout ce que le film a voulu démontrer dans son dernier acte, rapportant à nouveau la foi à quelque chose de matériel et non plus spirituel.


Plus qu'un film sur la foi, Silence parle plutôt du rapport à la foi et c'est un des aspects les plus intéressants du métrage car tout le monde n'est pas égal face à sa foi, rien que les deux pères l'appréhendent d'une manière différente. Cependant, au final, c'est une certaine forme d'incompréhension qui nous gagne car il est difficile de toujours bien voir où veut en venir Martin Scorsese avec son histoire. Ajoutons encore certains personnages très bizarrement représentés (Issei Ogata est assez ridicule par exemple) et nous obtenons un film qui peine à convaincre totalement sur la durée.

C'est donc un sentiment mitigé qui prédomine avec un déséquilibre entre la forme - splendide - et le fond. L'ampleur du projet amenait certainement à des espoirs trop grands mais il faudra sans doute que je visionne le film de 1971 pour pouvoir situer véritablement le film de Scorsese. Dans tous les cas, c'est un film que je conseille quand même car il faut soutenir ce type de productions (le film a déjà fait un four aux Etats-Unis). Attention toutefois, il faut savoir ce que l'on va regarder car ceux qui ont vu Le Loup de Wall Street seront peut-être pris à contre-pied par le côté bien plus austère de Silence...
A réévaluer, peut-être, d'ici quelques temps.


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