mardi 12 mai 2015

Minority Report (2002) - Collaboration avec Les Lectures à la pleine lune

Titre : Minority Report

Date de sortie française : 2 octobre 2002

Réalisateur : Steven Spielberg

Scénario : Scott Frank et Jon Cohen (adapté de la nouvelle "The Minority Report" de Philip K. Dick)

Directeur de la photographie : Janusz Kaminski

Montage : Michael Kahn

Musique : John Williams

Durée : 2h25

Avec : Tom Cruise, Colin Farrell, Max Von Sydow, Samantha Morton, Kathryn Morris, 


Synopsis : A Washington, en 2054, la société du futur a éradiqué le meurtre en se dotant du système de prévention / détection / répression le plus sophistiqué du monde. Dissimulés au coeur du Ministère de la Justice, trois extra-lucides captent les signes précurseurs des violences homicides et en adressent les images à leur contrôleur, John Anderton, le chef de la "Précrime" devenu justicier après la disparition tragique de son fils. Celui-ci n'a alors plus qu'à lancer son escouade aux trousses du "coupable"...Mais un jour se produit l'impensable : l'ordinateur lui renvoie sa propre image. D'ici 36 heures, Anderton aura assassiné un parfait étranger. Devenu la cible de ses propres troupes, Anderton prend la fuite. Son seul espoir pour déjouer le complot : dénicher sa future victime ; sa seule arme : les visions parcellaires, énigmatiques, de la plus fragile des Pré-Cogs : Agatha. (Source : Allociné)

Avant-propos


Comme l'annonce si bien le titre de ce petit article, il s'agit ici de la troisième collaboration que j'effectue avec le blog des Lectures à la pleine lune. Une fois n'est pas coutume c'est moi qui ai proposé de parler de cette oeuvre en particulier et je vous conseille chaudement de vous attaquer à l'article rédigé sur la nouvelle par ici avant de passer à la lecture de la partie dédiée au film.

Mon avis


S'il y a bien un réalisateur qui parle à tout le monde, des plus petits aux plus grands, et qui a su marquer plusieurs génération de son empreinte, c'est bien Steven Spielberg.
Minority Report représente dans sa filmographie une de ces œuvres qui a marqué un tournant avec des films beaucoup plus matures à partir de la fin des années 90 et le début des années 2000.

A peine un an après son A.I. Intelligence artificielle, également adapté d'une nouvelle (et qui devait être réalisé par Kubrick mais a été repris par Spielberg après sa mort), le père de Jurassic Park et Indiana Jones reste donc dans la science-fiction et nous livre un film dont la portée donne encore matière à réfléchir plus de 10 ans après.

L'intrigue se passe à Washington, dans un avenir proche, où les meurtres ont été complètement éradiqués grâce aux visions des précogs qui arrivent à prédire un crime proche grâce à certains signes précurseurs. Les noms du futur criminel ainsi que celui de la future victime sont envoyés aux agents de la Précrime dont le chef, John Anderton (Tom Cruise), analyse les images envoyées par les précogs afin de déterminer l'endroit exact où doit se produire le meurtre.
La majorité des meurtres n'étant plus prémédités, les agents de Précrime n'ont donc que quelques minutes pour agir et arrêter la personne qui s'apprête à passer à l'acte.
Tout va cependant basculer quand John va assister à une vision le mettant lui-même en scène. N'ayant pas d'autre choix, il fuit et va se retrouver confronté non seulement à son passé, mais également à son avenir.


Ce qui frappe tout de suite, c'est l'atmosphère résolument dystopique, délicieusement appuyée par la photographie très froide de Janusz Kaminski.
Le monde, au début du film, nous paraît totalement déshumanisé, avec les technologies qui prennent totalement le contrôle sur l'être humain. Ici, les publicités sont omniprésentes et agressives et tout le monde est surveillé perpétuellement. C'est tout le génie visionnaire de Philip K. Dick qui se retrouve ici, il avait déjà compris (en 1956 !) ce que les technologies pouvaient avoir de néfaste avec cet aspect surveillance (NSA ou les réseaux sociaux d'aujourd'hui) et cette publicité omniprésente qui surgit à la manière de nos pop-up actuels.

Il voyait également se profiler ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui la tolérance zéro et ses dérives ultra-sécuritaires. Car c'est ce dont il s'agit, on n'arrête pas des criminels, on arrête des futurs criminels (qui ne le sont donc pas encore au moment de leur arrestation, vous suivez toujours ?).

Il en résulte donc tout un paradoxe dans l'essence même de l'idée de la Précrime. Philosophiquement parlant, le film livre une réflexion bien sentie sur le déterminisme et tout ce qu'il implique, à savoir le fait que tout événement découle d'un autre par une relation de cause à effet. Selon Laplace, une personne ayant une connaissance totale de toutes les variables et des situations des individus composant un moment donné serait capable de prédire le futur de manière certaine.

Aidée de ses précogs, la Précrime est donc une police proactive à 100% qui arrête des meurtriers qui ne le sont pas encore. Si nous vivions dans un monde totalement déterministe, on ne pourrait pas décemment condamner quelqu'un pour avoir tué une tierce personne car il ne pouvait pas en être autrement. On peut donc se poser la question du bien fondé de cette organisation.




L'essence du film se retrouve également dans le développement du personnage de John Anderton qui va passer en l'espace de quelques minutes du chasseur au chassé. L'histoire prend dès lors une tournure beaucoup plus humaine tandis que l'on suit Anderton dans sa cavale. Persuadé de ne vouloir commettre aucun crime, il va être confronté à son passé (et son avenir !) et la question se pose alors de savoir jusqu'à quel point décide-t-on de ses actions...Il y a un glissement du déterminisme vers un aspect beaucoup plus tourné vers le libre-arbitre.

Au fur et à mesure des recherches de John, on apprend comment il a perdu son fils et qu'il se sent responsable. Il faut d'ailleurs souligner que Tom Cruise livre une excellente prestation et permet au spectateur de se prendre d'affection pour son personnage malgré son côté  un peu sombre (il est devenu accro à une drogue de synthèse depuis la disparition de son fils par exemple).

Spielberg arrive vraiment à transcender son histoire avec cette caméra très libre qui nous offre parfois des mouvements très audacieux. Une scène particulièrement marquante est celle où John se repose après avoir subi une greffe des yeux et que des agents du Précrime arrivent pour "scanner" l'iris de toutes les personnes présentes dans l'immeuble à l'aide d'araignées robotisées.
Cette scène est impressionnante par le suspense qui s'en dégage mais également car elle est filmée en plan-séquence assez virtuose où la caméra va passer d'un appartement à l'autre en filmant toujours l'action du dessus, splendide !


J'ai parlé de Tom Cruise plus haut mais tout le casting s'en sort bien, même Colin Farrell alors qu'il a tendance à m'agacer un peu dans certains de ses rôles. Samantha Morton (Agatha) joue parfaitement son rôle "d'humain déshumanisé" et son impact sera considérable à la résolution de l'intrigue.
Une intrigue qui est d'ailleurs très bien dosée, avec son lot de rebondissements pas forcément très surprenants mais qui fonctionnent plutôt bien. On aurait peut-être pu espérer un peu plus de folie de la part de Spielberg mais ce serait chipoter sur pas grand chose car le rythme est vraiment très bon.

Pour ce film, John Williams a pu composer la musique après avoir vu une version quasi-définitive du film. Souhaitant être lui aussi fidèle à l'ambiance, il livre une partition plus expérimentale que ce qu'on a l'habitude d'entendre chez lui, avec des sons mélangeant orchestre symphonique classique et synthétiseur. D'ailleurs, Spielberg lui-même a déclaré que le score de Williams se "ressentait" plus qu'il ne s'entendait, on ne saurait lui donner tort...

Minority Report, bien qu'il n'entre pas dans mes Spielberg préférés, est donc un bon ambassadeur du "tournant" (mais le mot est peut-être un peu fort) qu'a pris la filmographie du cinéaste à l'aube du troisième millénaire. En plus d'être une fois de plus une excellente adaptation d'une oeuvre de Philip K. Dick (il n'a clairement pas à rougir vis-à-vis de films comme Blade Runner ou Total Recall pour ne citer qu'eux), le film arrive à encadrer son sujet à merveille. La réflexion sur le déterminisme et les dérives d'un système ultra-contrôlé donne de quoi réfléchir, on en arriverait presque à se demander s'il existe vraiment un mur entre la science-fiction et la réalité.
Les thématiques abordées démontrent non seulement la vision extrêmement visionnaire de Philip K. Dick mais n'ont en plus jamais été aussi actuelles en cette époque où on ne sait jamais vraiment où et quand nous sommes surveillés.


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