Titre : Elle
Date de sortie française : 25 mai 2016
Réalisateur : Paul Verhoeven
Scénario : David Birke d'après le roman "Oh..." de Philippe Djian adapté par Harold Manning
Directeur de la photographie : Stéphane Fontaine
Montage : Job ter Burg
Musique : Anne Dudley
Durée : 2h10
Avec : Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Anne Consigny, Charles Berling, Virginie Efira, Judith Magre, Christian Berkel, Jonas Bloquet, Alice Isaaz
Synopsis : Michèle Leblanc est agressée et violée dans sa grande maison de banlieue parisienne où elle vit seule. Elle ne porte pas plainte par la suite et reprend sa vie entre sa société de jeux vidéo qu'elle dirige avec son amie Anna, sa liaison avec Robert le compagnon de celle-ci, son fils Vincent, son ex-mari Richard, ses voisins Patrick et Rebecca. (Source : Wikipédia)
Mon avis
On l'aura attendu le retour de Paul Verhoeven ! 10 ans se sont en effet écoulés depuis son dernier long-métrage, Black Book, et depuis un silence radio brisé qu'à l'occasion du téléfilm Tricked filmé par Verhoeven en 2012.
C'est donc en France que le Hollandais violent effectue son grand retour avec une adaptation du roman Oh... de Philippe Djian (que je n'ai pas lu). D'abord prévu pour être tourné aux Etats-Unis, Verhoeven ne trouve aucune actrice acceptant de jouer un rôle aussi amoral et aucune boite de production pour financer un tel projet. Il décide donc de retourner en France, pays d'origine du livre et lieu où se passe l'intrigue et choisi Isabelle Huppert pour tenir le rôle-titre, accompagnée d'un gros casting de rôles secondaires.
Pourtant, la bande-annonce ne laissait clairement pas rêveur, le montage étrange faisant penser à un vulgaire téléfilm tourné par un réalisateur de qualité. On pouvait alors croire que le réalisateur hollandais avait perdu le mojo mais les bons retours de Cannes où le film était présenté en compétition officielle et l'excellent accueil qu'il a eu à sa sortie redonnait espoir à tous ceux (dont je faisais partie) qui s'étaient fait berner par la bande-annonce. Et mon dieu, jamais je n'ai été autant heureux d'avoir douté tant le film est une claque !
On voit tout de suite ce qui a pu intéresser à ce point Paul Verhoeven dans le roman de Djian : cette femme qui se fait violer et qui, au fur et à mesure, va développer une relation très malsaine avec son agresseur. Le ton est tout de suite donné, on est replongé dans la violence physique et psychologique dont raffole le réalisateur de RoboCop mais le malsain atteint cette fois-ci un pic. Là où Verhoeven fait fort, c'est que le film est également très drôle par moments et qu'il jongle constamment entre des moments d'une glauquitude absolue et des passages complètement hilarants, allant même jusqu'à mélanger les deux pour en arrive à un point où on ne sait plus vraiment si on rigole parce que c'est malsain ou si c'est malsain justement parce qu'on rigole (souvent jaune) de ce que l'on voit.
Isabelle Huppert est pour beaucoup dans cette balance incessante entre malaise et rire. Il faut dire qu'elle est née pour jouer ce genre de rôle, j'ai du mal à imaginer n'importe quelle autre actrice à sa place, tant celle-ci est devenue un genre à elle tout seule...ce n'est d'ailleurs pas par hasard que Michael Haneke en a fait son actrice fétiche, tant elle colle bien à ce genre d'univers. Elle joue parfaitement la bourgeoise un peu hautaine et rend son personnage jouissif à regarder alors qu'il aurait pu être insupportable incarné par n'importe qui d'autre.
Le reste du casting, dirigé de main de maître par Verhoeven (même Virginie Efira), est tout aussi excellent. Chaque personnage est ambigu, un peu timbré on ne sait jamais vraiment si c'est du lard ou du cochon et aucun n'est cliché, d'autant plus que Verhoeven ne porte jamais de jugement sur ceux-ci, ils existent simplement avec toutes leurs qualités et leurs défauts. Mention spéciale à Jonas Bloquet qui joue le fils de Michèle et qui est d'une telle stupidité qu'il en devient attachant. Le seul personnage vraiment blanc est celui interprété par Virginie Efira, croyante jusqu'au bout des orteils et dont les dernières paroles, à la fin du film, n'auraient pas pu être plus lourdes de sens.
Comme à son habitude, le Hollandais violent joue avec les codes, les détourne à sa guise. J'en veux pour preuve cette scène incroyable du souper de Noël qui aurait pu être tout ce qu'il y a de plus banal mais vu que ce n'est pas n'importe qui derrière la caméra, la séquence devient d'anthologie ! Déjà, il y a cette hypocrisie entre certains personnages qui ne peuvent pas se piffrer mais font bonne figure l'un en face de l'autre (il y a par exemple Michèle qui dit en cuisine qu'elle va faire exprès de laisser un cure-dent dans les amuse-gueule pour que la copine à son ex-mari se fasse mal avec). Puis il y a toujours cette ambiguïté, ce jeu entre ce côté dérangeant et une certaine légèreté, comme quand Huppert raconte à Lafitte les atrocités commises par son père d'un air complètement candide alors qu'on entend la messe de minuit en fond, c'est juste génial ce décalage qui rend la scène vraiment hilarante !
Au final, le film va tellement loin qu'on finit presque par oublier qu'il y a une histoire de viol derrière, la révélation ne constitue d'ailleurs de loin pas le climax du film (surtout que j'avais déjà deviné depuis un moment qui était l'agresseur) mais lance au contraire un jeu très chaud entre Michèle et l'homme qui l'a violée, le film grimpe alors encore en intensité jusqu'à la fin où elle se décide enfin d'agir concrètement à son encontre...
Toute cette maestria est accompagnée d'une musique certes discrète mais terriblement efficace, assez cristalline et m'ayant fait un peu penser à ce qu'on trouvait dans Basic Instinct. En plus, fait assez rare qui mérite d'être signalé, elle est composée par une femme, ce qui fait d'autant plus plaisir quand on sait que le cinéma de Verhoeven est quand même ouvertement féministe (ce qui n'empêche pas certains groupes de féminazis de s'en prendre au film qui ferait, selon elles, l'apologie du viol...on aura tout entendu).
Une chose est sûre, c'est qu'il est difficile de ressortir intact de Elle, il m'a bien fallu une bonne nuit pour me remettre complètement de ce que j'avais vu. C'est un film qui prend aux tripes, qui rend profondément mal à l'aise tout en nous décrochant régulièrement des rires. Paul Verhoeven ne se refuse rien et on ne peut que le remercier de nous offrir un tel niveau de maestria. C'est finalement le cinéma français qui ressort gagnant de tout ça en acceptant de produire ce que les américains voient d'un mauvais œil, mais bon c'est sûrement trop leur demander de chercher de l'originalité.
Elle est mon film de l'année jusqu'à présent et je ne peux que chaudement vous le recommander, un chef-d'oeuvre (et c'est rare que j'utilise de tels superlatifs) !
C'est donc en France que le Hollandais violent effectue son grand retour avec une adaptation du roman Oh... de Philippe Djian (que je n'ai pas lu). D'abord prévu pour être tourné aux Etats-Unis, Verhoeven ne trouve aucune actrice acceptant de jouer un rôle aussi amoral et aucune boite de production pour financer un tel projet. Il décide donc de retourner en France, pays d'origine du livre et lieu où se passe l'intrigue et choisi Isabelle Huppert pour tenir le rôle-titre, accompagnée d'un gros casting de rôles secondaires.
Pourtant, la bande-annonce ne laissait clairement pas rêveur, le montage étrange faisant penser à un vulgaire téléfilm tourné par un réalisateur de qualité. On pouvait alors croire que le réalisateur hollandais avait perdu le mojo mais les bons retours de Cannes où le film était présenté en compétition officielle et l'excellent accueil qu'il a eu à sa sortie redonnait espoir à tous ceux (dont je faisais partie) qui s'étaient fait berner par la bande-annonce. Et mon dieu, jamais je n'ai été autant heureux d'avoir douté tant le film est une claque !
On voit tout de suite ce qui a pu intéresser à ce point Paul Verhoeven dans le roman de Djian : cette femme qui se fait violer et qui, au fur et à mesure, va développer une relation très malsaine avec son agresseur. Le ton est tout de suite donné, on est replongé dans la violence physique et psychologique dont raffole le réalisateur de RoboCop mais le malsain atteint cette fois-ci un pic. Là où Verhoeven fait fort, c'est que le film est également très drôle par moments et qu'il jongle constamment entre des moments d'une glauquitude absolue et des passages complètement hilarants, allant même jusqu'à mélanger les deux pour en arrive à un point où on ne sait plus vraiment si on rigole parce que c'est malsain ou si c'est malsain justement parce qu'on rigole (souvent jaune) de ce que l'on voit.
Isabelle Huppert est pour beaucoup dans cette balance incessante entre malaise et rire. Il faut dire qu'elle est née pour jouer ce genre de rôle, j'ai du mal à imaginer n'importe quelle autre actrice à sa place, tant celle-ci est devenue un genre à elle tout seule...ce n'est d'ailleurs pas par hasard que Michael Haneke en a fait son actrice fétiche, tant elle colle bien à ce genre d'univers. Elle joue parfaitement la bourgeoise un peu hautaine et rend son personnage jouissif à regarder alors qu'il aurait pu être insupportable incarné par n'importe qui d'autre.
Le reste du casting, dirigé de main de maître par Verhoeven (même Virginie Efira), est tout aussi excellent. Chaque personnage est ambigu, un peu timbré on ne sait jamais vraiment si c'est du lard ou du cochon et aucun n'est cliché, d'autant plus que Verhoeven ne porte jamais de jugement sur ceux-ci, ils existent simplement avec toutes leurs qualités et leurs défauts. Mention spéciale à Jonas Bloquet qui joue le fils de Michèle et qui est d'une telle stupidité qu'il en devient attachant. Le seul personnage vraiment blanc est celui interprété par Virginie Efira, croyante jusqu'au bout des orteils et dont les dernières paroles, à la fin du film, n'auraient pas pu être plus lourdes de sens.
Comme à son habitude, le Hollandais violent joue avec les codes, les détourne à sa guise. J'en veux pour preuve cette scène incroyable du souper de Noël qui aurait pu être tout ce qu'il y a de plus banal mais vu que ce n'est pas n'importe qui derrière la caméra, la séquence devient d'anthologie ! Déjà, il y a cette hypocrisie entre certains personnages qui ne peuvent pas se piffrer mais font bonne figure l'un en face de l'autre (il y a par exemple Michèle qui dit en cuisine qu'elle va faire exprès de laisser un cure-dent dans les amuse-gueule pour que la copine à son ex-mari se fasse mal avec). Puis il y a toujours cette ambiguïté, ce jeu entre ce côté dérangeant et une certaine légèreté, comme quand Huppert raconte à Lafitte les atrocités commises par son père d'un air complètement candide alors qu'on entend la messe de minuit en fond, c'est juste génial ce décalage qui rend la scène vraiment hilarante !
Au final, le film va tellement loin qu'on finit presque par oublier qu'il y a une histoire de viol derrière, la révélation ne constitue d'ailleurs de loin pas le climax du film (surtout que j'avais déjà deviné depuis un moment qui était l'agresseur) mais lance au contraire un jeu très chaud entre Michèle et l'homme qui l'a violée, le film grimpe alors encore en intensité jusqu'à la fin où elle se décide enfin d'agir concrètement à son encontre...
Toute cette maestria est accompagnée d'une musique certes discrète mais terriblement efficace, assez cristalline et m'ayant fait un peu penser à ce qu'on trouvait dans Basic Instinct. En plus, fait assez rare qui mérite d'être signalé, elle est composée par une femme, ce qui fait d'autant plus plaisir quand on sait que le cinéma de Verhoeven est quand même ouvertement féministe (ce qui n'empêche pas certains groupes de féminazis de s'en prendre au film qui ferait, selon elles, l'apologie du viol...on aura tout entendu).
Une chose est sûre, c'est qu'il est difficile de ressortir intact de Elle, il m'a bien fallu une bonne nuit pour me remettre complètement de ce que j'avais vu. C'est un film qui prend aux tripes, qui rend profondément mal à l'aise tout en nous décrochant régulièrement des rires. Paul Verhoeven ne se refuse rien et on ne peut que le remercier de nous offrir un tel niveau de maestria. C'est finalement le cinéma français qui ressort gagnant de tout ça en acceptant de produire ce que les américains voient d'un mauvais œil, mais bon c'est sûrement trop leur demander de chercher de l'originalité.
Elle est mon film de l'année jusqu'à présent et je ne peux que chaudement vous le recommander, un chef-d'oeuvre (et c'est rare que j'utilise de tels superlatifs) !
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