mardi 21 juin 2016

The Neon Demon (2016)

Titre : The Neon Demon

Date de sortie française : 8 juin 2016

Réalisateur : Nicolas Winding Refn

Scénario : Nicolas Winding Refn, Mary Laws, Polly Stenham

Directeur de la photographie : Natasha Braier

Montage : Matthew Newman

Musique : Cliff Martinez

Durée : 1h57

Avec : Elle Fanning, Jena Malone, Bella Heathcote, Abbey Lee, Keanu Reeves, Christina Hendricks, Desmond Harrington


Synopsis Une jeune fille débarque à Los Angeles. Son rêve est de devenir mannequin. Son ascension fulgurante et sa pureté suscitent jalousies et convoitises. Certaines filles s’inclinent devant elle, d'autres sont prêtes à tout pour lui voler sa beauté. (Source: Premiere.fr)


Mon avis


Nicolas Winding Refn est un cinéaste très intéressant à analyser au vu de sa carrière mais également par rapport à son évolution, principalement depuis l'immense succès de Drive en 2011.
Le cinéaste danois a commencé sa carrière en filmant le milieu de la drogue à Copenhague dans Pusher et a tout de suite mis une claque par sa maîtrise de la caméra-épaule et sa retranscription très froide de la capitale danoise.
Bleeder avait certains défauts d'un premier film que n'avait pas Pusher justement mais il restait dans la continuité de celui-ci.
C'est avec Inside Job qu'il se tourne pour la première fois vers un aspect beaucoup plus esthétique, laissant de côté des influences scorsesiennes pour aller piocher de manière évident chez Kubrick et Lynch entre autres. Le premier film de Refn en langue anglaise et un immense échec et il décide alors de faire de Pusher une trilogie afin de retrouver le mojo. Bien lui en a pris puisque le deuxième Pusher est aujourd'hui un des meilleurs (si ce n'est LE meilleur) film de sa filmographie et que ça lui a permis de connaître une certaine renommée qui lui permettra par la suite de tourner Bronson, réminiscence évidente de Orange Mécanique, puis Valhalla Rising. C'est d'ailleurs à partir de ce dernier que débute vraiment le tournant ultra-esthétique de la carrière de Refn qui décrochera d'ailleurs le prix de la mise en scène du Festival de Cannes pour Drive deux ans plus tard.

Ce succès propulse Refn parmi les meilleurs auteurs contemporain mais lui monte également à la tête. Suivant un peu les pas d'un Lars von Trier, le cinéaste danois adopte dès lors un ton assez provocateur et sort par la suite Only God Forgives, qui a énormément divisé à Cannes (pour le plus grand plaisir de son auteur) et que je n'ai pas vraiment aimé, tant j'ai trouvé que l'esthétisme prenait vraiment le pas sur le fond alors que jusque-là Refn avait toujours réussi à mettre son visuel au service de son art et non pas l'inverse.
J'ai cependant toujours séparé l'homme de l'artiste et même si Refn a chopé le melon, si les films sont de qualité c'est vraiment l'essentiel. C'est la raison pour laquelle j'attendais quand même The Neon Demon, vendu par son auteur comme une sorte de film d'horreur dans l'univers de la mode. Ne voulant pas manquer l'occasion de voir mon premier NWR au cinéma, j'y suis allé très enthousiaste et en suis ressorti complètement soufflé !


The Neon Demon c'est peut-être le délire formel ultime de son auteur qui en est arrivé à un point où il n'en a plus rien à battre : il sait que son film divisera et il adore ça. Le ton est assez vite donné, le film débute, on a le générique d'introduction avec un NWR stylisé YSL, symbole précoce de l’égocentrisme de son auteur qui fait de son nom une marque à part entière.
Car oui, The Neon Demon est prétentieux, certainement un des films des plus prétentieux qu'il m'ait été donnée de voir d'ailleurs mais pourtant...
La beauté du film égale sa prétention et éclipse presque tout le reste. Cependant, si ça m'avait gêné dans Only God Forgives, je suis ici complètement rentré dans le délire.

Le film en soi est déjà une grande évolution dans le cinéma du réalisateur danois. Pour la première fois, il met une femme au centre de son récit, lui normalement habitué aux hommes déviants et violents. Ici, la pureté de Elle Fanning contraste totalement avec ce que nous propose Nicolas Winding Refn habituellement. Il y a d'ailleurs beaucoup de femmes dans le film, tous les personnages principaux en sont (pas étonnant me direz-vous pour un film qui parle de la mode).

C'est d'ailleurs presque une suite naturelle des choses que Refn parle de la beauté dans ce film, son Only God Forgives avait été critiqué en grande partie parce qu'il ne proposait rien de plus que sa beauté formelle. Le cinéma du réalisateur a toujours été beau, voir contemplatif dans Valhalla Rising, et il y a une phrase que prononce un des personnages de The Neon Demon qui résume bien le tournant qu'a pris la carrière de Refn : "Beauty is not everything, it's the only thing"...
Ce n'est d'ailleurs pas le seul parallèle qui peut être fait avec la carrière du cinéaste ; le personnage de Jesse, d'abord toute sage et pure, va petit à petit faire sortir son ego quand elle va se rendre compte à quel point sa beauté fait des jalouses, ça ne vous rappelle pas quelqu'un ?


Il n'en demeure pas moins que la formule a totalement marché sur moi. Plus que jamais, NWR fait ce qu'il veut, il nous emmène au cœur de séquences toutes plus folles visuellement les unes que les autres (mention particulière à la scène du défilé et au shooting photo de Jesse), remplies de néons et de lumières stroboscopiques, je me suis vraiment cru dans un rêve à certains moments.
Le tout est en plus saupoudré des nappes électro de Cliff Martinez qui signe certainement une des meilleures BO de l'année (avec celle des 8 Salopards), ça devient d'ailleurs une habitude quand il collabore avec Refn.

J'ai été plusieurs fois à deux doigts d'être totalement hypnotisé et ça aurait peut-être été le cas si le choix de casting avait été un peu plus judicieux. Elle Fanning est certes une très jolie actrice mais NWR n'arrive pas à la magnifier comme l'avait si bien fait Woody Allen avec Emma Stone par exemple. En fait, je trouve carrément Jena Malone plus canon que Elle Fanning et ça casse un peu le truc car Jesse est censée être la femme qui subjugue, qui attire tous les regards, moi j'avais plutôt les yeux posés sur Malone quand elle apparaissait.

Il y a également un symbolisme poussé parfois à la limite de l’auto-parodie par Refn, comme le coup des miroirs (censés refléter la beauté extérieure des protagonistes) qui apparaissent dans énormément de scènes sans avoir toujours un réel intérêt. Il y a tout de même une séquence qui exploite très bien les miroirs, celle de la rencontre entre Jesse et Ruby avec ce champ/contre-champ du reflet des deux protagonistes et la pauvre Jesse écrasée dans le coin du cadre. C'est assez sobre mais la scène instaure déjà clairement les rapports de force.


Certes le film ne vas pas se faire que des amis, certes il va certainement se faire cracher dessus par ceux totalement hermétiques au style du cinéaste qui ne vont pas se réconcilier avec lui avec ce Neon Demon. Je ne pourrais vraiment leur en tenir rigueur parce que, sur le papier, le film avait vraiment tout pour me déplaire. Sauf que, contrairement à Only God Forgives, je suis entré dedans dès les premières secondes et j'ai accepté ce que Nicolas Winding Refn me balançait à la figure simplement parce que c'est d'une beauté à tomber par terre, tout en ne laissant pas pour autant de côté la violence chère au réalisateur (il y a cette scène de nécrophilie complètement folle, puis ce final clairement too much mais avec sa part de dérision, ce qui manquait à la scène de torture de OGF par exemple).

The Neon Demon c'est un tout, un mariage entre le son et l'image qu'il faut expérimenter devant un grand écran pour capter toute l'ampleur de la mise en scène de NWR. Le danois radicalise encore plus son cinéma, comme s'il voulait tester jusqu'où il pourra aller dans son délire avant de se brûler les ailes...
Est-ce mon Refn préféré ? Il est encore trop tôt pour le dire, il n'en demeure pas moins qu'il se hisse sans problème dans le haut du panier aux côtés de Drive et des deux premiers Pusher.
Le terme de "film d'horreur" était certes exagéré (le seul moment où j'ai eu un peu peur c'est durant la scène du puma), il n'empêche que c'est un film qui continue de me hanter aujourd'hui encore et qui va continuer de mûrir encore un petit moment dans ma petite tête qui s'est prise deux claques en l'espace de quelques jours avec Elle puis ce Neon Demon...Si Refn continue à faire des films comme ça, il peut le garder sans problème son melon !


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