dimanche 23 juillet 2017

Dunkerque (2017)

Titre original : Dunkirk

Date de sortie française : 19 juillet 2017

Réalisateur : Christopher Nolan (également scénariste)

Photographie : Hoyte Van Hoytema

Montage : Lee Smith

Musique : Hans Zimmer

Durée : 1h46

Avec : Fionn Whitehead, Mark Rylance, Jack Lowden, Kenneth Branagh, Tom Hardy, Harry Styles, Cillian Murphy, James D'Arcy




Synopsis : Au début de la Seconde Guerre mondiale, en mai 1940, environ 400 000 soldats britanniques, canadiens, français et belges se retrouvent encerclés par les troupes allemandes dans la poche de Dunkerque. L'Opération Dynamo est mise en place pour évacuer le Corps expéditionnaire britannique (CEB) vers l'Angleterre.
L'histoire s'intéresse aux destins croisés des soldats, pilotes, marins et civils anglais durant l'Opération Dynamo. Alors que le CEB est évacué par le port et les plages de Dunkerque, trois soldats britanniques, avec un peu d'ingéniosité et de chance, arrivent à embarquer sous les bombardements. Un périple bien plus grand les attend : la traversée du détroit du Pas de Calais. (Source :  Wikipédia)



Mon avis


La sortie d'un film de Christopher Nolan est toujours un événement important dans le petit monde du cinéma. Vénéré comme un dieu par certains, conchié par d'autres, le réalisateur britannique s'est construit, depuis sa trilogie Dark Knight, une réputation d'auteur de blockbusters dits "intelligents", qui surnagent par rapport à la concurrence (mais vu celle-ci, on serait tenté de dire que l'exploit est plutôt mince).
Le cinéma de Nolan a toujours occupé une place assez importante chez moi : c'est véritablement après Inception que j'ai commencé à développer ma cinéphilie et c'est à l'occasion de la sortie de Interstellar (dont vous pouvez retrouver la critique ici) que j'ai lancé ce blog. Ces deux films (ainsi que The Dark Knight) occupent d'ailleurs toujours une haute place dans mon estime. Il faut aussi dire que le style du cinéaste m'a toujours particulièrement parlé et ce, malgré les défauts qu'il traîne avec lui depuis ses débuts et qui ont tendance à s'accentuer avec le temps mais j'y reviendrai.

On dit souvent qu'aborder le cinéma de guerre est un passage quasi obligatoire pour tout grand cinéaste qui se respecte : des auteurs hautement reconnus tels que Stanley Kubrick (Les Sentiers de la Gloire / Full Metal Jacket), Sam Peckinpah (Croix de Fer), Francis Ford Coppola (Apocalypse NowSteven Spielberg (Il faut Sauver le Soldat Ryan), Ridley Scott (La Chute du Faucon Noir) ou encore Clint Eastwood (Mémoires de nos pères / Lettres d'Iwo Jima) pour ne citer qu'eux, s'y sont tous attaqués avec succès. Autant dire que le poids sur les épaules de Christopher Nolan n'était pas négligeable et qu'il se devait de ne pas se rater. Comment allait-il traiter le sujet ? Serait-ce enfin ce qu'on pourrait appeler le film de la maturité ?


Dunkerque revient sur l'Opération Dynamo, événement important de la Seconde Guerre Mondiale, qui a permis à près de 340'000 soldats alliés, entourés par les forces allemandes, d'être évacués des plages de Dunkerque. Christopher Nolan se concentre exclusivement sur trois personnages : Tommy (Fionn Whitehead), soldat du corps expéditionnaire britannique, M. Dawson (Mark Rylance), capitaine d'un petit bateau réquisitionné pour récupérer les soldats à Dunkerque et Farrier (Tom Hardy), pilote d'un Spitfire. Trois hommes, trois destins mais également trois temporalités...
Nolan a toujours aimé jouer avec le temps en le manipulant (Inception, Interstellar) ou en l'inversant (Memento). Il reproduit ici donc l'expérience en présentant ses séquences étalées sur 1 semaine (partie dite du môle), 1 jour (le bateau de M. Dawson) et 1 heure (Farrier). Idée intéressante mais qui devient assez rapidement difficile à suivre, sans parler des incohérences que ça introduit.

Nolan a vite présenté ses intentions de faire de Dunkerque une expérience sensorielle avant tout. Cela signifie donc une immersion totale et très peu de dialogues, le récit se concentrant vraiment sur ce que vivent les protagonistes et c'est malheureusement à double tranchant car autant Nolan (et son chef opérateur Hoyte Van Hoytema) est un très bon artisan de l'image, le scénario et l'écriture des personnages ont beaucoup de peine à suivre.
Pourtant le film commence sur des chapeaux de roues avec une séquence présentant Tommy et d'autres soldats anglais en train de fuir les rues de Dunkerque en direction de la plage. Cette séquence est probablement une des meilleures du film et montre que Nolan a un sens certain de la mise en scène en décidant de ne pas montrer d'où vient la menace, comme si celle-ci était invisible.

Une entrée en matière enthousiasmante donc mais qui va rapidement laisser place à un des défauts majeurs du film : son manque d'émotions ! Avant d'être un film de guerre, Dunkerque est d'abord un film de survie et pour entrer dedans, il faut craindre pour les personnages, ressentir de l'empathie pour eux. Or aucun de ceux-ci n'est véritablement développé et ils sont tous assez mal écrits. Comment voulez-vous obtenir un film de survie convainquant quand les personnages eux-mêmes ne vivent pas à l'écran, qu'ils sont uniquement des coquilles vides ? Iñarritu y arrivait bien dans The Revenant car son cinéma sait être viscéral quand il le faut, ce qui n'est pas le cas de celui de Nolan qui est beaucoup trop froid pour ça. Au final, on se retrouve donc avec un film que l'on regarde plus qu'on ne vit et c'est vraiment dommageable quand l'objectif avoué du film est justement de faire vivre une expérience au spectateur.


J'avais déjà relevé un problème de mixage sonore dans Interstellar mais ça ne dérangeait pas outre mesure car la BO de Hans Zimmer était de qualité. Sur Dunkerque, le compositeur allemand collabore une nouvelle fois avec Christopher Nolan et on retrouve à nouveau le même problème mais bien plus dérangeant car la musique de Zimmer dessert totalement le film et la possibilité d'immersion dans celui-ci. Pour donner une idée, toutes ses compositions sont basées sur des tic tacs en crescendo très grossiers sensés appuyer le suspense. Le problème c'est que si Nolan avait plus confiance en ses propres images, il n'utiliserait pas autant la musique : on sait qu'il y a du suspense, de la tension, pas besoin de venir le souligner pendant 1h40 avec la musique. Et c'est là où le bât blesse véritablement, au lieu d'être pris dans le film on en est tenu à l'écart par la lourdeur des "bruits" de Hans Zimmer.
Pourtant le film ne manque pas de passages vraiment tendus et anxiogènes mais il manque la simplicité, la sobriété que devrait donner Nolan à ses images. Certaines des plus belles séquences du métrage, comme celle où un Spitfire en panne sèche perd de l'altitude et est filmé en travelling latéral (avec d'ailleurs une vue sur des bâtiments totalement anachroniques en arrière-plan mais passons), perdent beaucoup en émotion à cause des compositions de Zimmer qui arrive avec ses gros souliers.

C'est très frustrant d'en arriver là car Nolan n'a pas lésiné sur les moyens pour reconstituer la bataille de Dunkerque : milliers de figurants, utilisation des trucages numériques à son minimum, utilisation de vrais Destroyers...L'arrivée de Hoyte Van Hoytema en tant que chef opérateur depuis Interstellar en remplacement de Wally Pfister n'a été que du bonus pour Nolan, Dunkerque étant probablement son plus beau film (les séquences aériennes n'ont pas à rougir face à un film comme La Bataille d'Angleterre par exemple). La question est : peut-on vraiment se contenter d'un beau film lorsque le film échoue dans sa véritable entreprise ? Quand on connaît le potentiel de Christopher Nolan, la réponse est sans appel : non !


Le constat est donc mitigé : nul doute que Dunkerque est un film agréable, qui offre probablement la meilleure reconstitution possible de l'Opération Dynamo et qui a le mérite de ne pas être trop long (1h46, rappelons que Interstellar durait 1 heure de plus). Il est cependant regrettable que Nolan recherche en permanence la sidération, quitte à user d'effets qui desservent sa mise en scène. Sa collaboration avec Hans Zimmer atteint clairement ses limites et peut-être qu'il serait temps pour le cinéaste de chercher de nouveaux horizons au risque de s'enliser dans un style dont il commence déjà à être prisonnier.

Nul doute que certains spectateurs réussiront à entrer dans le film pour le vivre véritablement de la façon pensée par le réalisateur, mais peut-on réellement s'en contenter ? Là où beaucoup de grands réalisateurs ont signé de très grands films de guerre (voir la liste non exhaustive plus haut), Christopher Nolan signe malheureusement un de ses films les plus oubliables, incapable de vraiment décoller et nous laissant finalement comme simples spectateurs qui suivent passivement un groupe de personnages sans vie.

Le métrage va évidemment fonctionner en salles, la question qui se pose aujourd'hui est plutôt : que va faire le cinéaste maintenant ? Va-t-il enfin prendre conscience qu'il est un très bon artisan d'image et nous proposer enfin ce fameux film de la "maturité" ou va-t-il revenir à ce qu'il faisait avec Inception et Interstellar où ses défauts étaient plus facilement noyés dans le grandiose permanent ? C'est à lui-même qu'il appartient de répondre à cette question.


mercredi 12 juillet 2017

Baby Driver (2017)

Titre : Baby Driver

Date de sortie française : 19 juillet 2017

Réalisateur : Edgar Wright (également scénariste)

Photographie : Bill Pope

Montage : Jonathan Amos et Paul Machliss

Musique : Steven Price

Durée : 1h55

Avec : Ansel Elgort, Jon Bernthal, Jon Hamm, Eiza González, Lily James, Kevin Spacey, Jamie Foxx, Micah Howard




Synopsis : Chauffeur pour des braqueurs de banque, Baby a un truc pour être le meilleur dans sa partie : il roule au rythme de sa propre playlist. Lorsqu’il rencontre la fille de ses rêves, Baby cherche à mettre fin à ses activités criminelles pour revenir dans le droit chemin. Mais il est forcé de travailler pour un grand patron du crime et le braquage tourne mal… Désormais, sa liberté, son avenir avec la fille qu’il aime et sa vie sont en jeu. (Source : Allociné)


Mon avis


On l'aura attendu ! Après avoir claqué la porte au projet Ant-Man, qu'il préparait depuis de nombreuses années, car il refusait de se soumettre au formatage Marvel (sans parler du fait que le scénario avait été réécrit dans son dos), le génial Edgar Wright s'était fait assez discret sur son nouveau film. On savait qu'il s'agirait d'un film de braquage avec Ansel Elgort (Divergente, Nos Étoiles Contraires) accompagné d'un casting haut standing mais sans une pléthore d'informations non plus.
Il faut dire qu'avec son nouveau bébé, Wright était attendu au tournant. Le réalisateur britannique s'est déjà affirmé, en l'espace de 4 films dont sa fameuse trilogie Cornetto avec Simon Pegg et Nick Frost, comme un petit génie de la comédie portée par une mise en scène et un montage virtuoses. Ses trouvailles visuelles lui ont très vite conféré un statut d'auteur assez unique dans le paysage cinématographique actuel.
Après avoir revisité le film de Zombie (Shaun of The Dead), le film policier (Hot Fuzz), la science-fiction (Le Dernier Pub avant la Fin du Monde) et s'être essayé brillamment à l'adaptation de comics (Scott Pilgrim), Edgar Wright change donc une nouvelle fois de registre avec Baby Driver mais est-ce que le film répond aux attentes ?

Baby (Ansel Elgort) est un jeune homme, as de la conduite, qui travaille comme chauffeur dans le cadre de braquages afin de rembourser une dette qu'il doit à un big boss du crime (Kevin Spacey). Passionné de musique, ses écouteurs vissés dans ses oreilles, Baby vit au rythme de ses playlists qui l'aident en plus à diminuer les effets désagréables de ses acouphènes dont il souffre à la suite d'un accident de voiture quand il était enfant. Cependant, il va un jour rencontrer Debora (Lily James), la fille de ses rêves et va décider de tout abandonner pour elle.
Le film se présente donc selon le schéma traditionnel du genre, à base de dernier coup et de rédemption. Ce serait cependant sous-estimer l'imagination de Wright dont l'écriture va progressivement dévier vers une histoire plus surprenante et audacieuse.


Le film s'ouvre au beau milieu d'une opération pour Baby et sa "bande". La musique vibre, les pneus crissent. On est tout de suite projeté dans le monde de Edgar Wright : c'est très dynamique, sans temps mort, il y a quelques gags visuels bien sentis (dont un déjà visible dans la bande-annonce malheureusement) et la musique est parfaitement utilisée.
La musique, parlons-en justement. Si celle-ci a toujours eu une grande importance dans les films de Edgar Wright (on se rappelle tous de cette formidable séquence de tabassage de zombie dans Shaun of the Dead ou de l'affrontement musical dans Scott Pilgrim), elle fait office ici de véritable colonne vertébrale du métrage.

Là où Scott Pilgrim était un bel hommage au jeu-vidéo, Baby Driver fait pareil envers la musique qui, en plus de rythmer tout le film, est également à 100% intradiégétique. Ceci fait que l'on vit les aventures de Baby non seulement selon son regard, mais également par le son qui sort de ses écouteurs et qu'il est souvent le seul à entendre.
Edgar Wright utilise absolument tous les outils dans son escarcelle pour utiliser la musique à bon escient. Entre le choix des titres savamment choisis et les chorégraphies millimétrées pour coller au tempo, en passant par un montage sonore aux petits oignons, le cinéaste régale nos yeux et nos oreilles. Il n'en oublie pas pour autant de faire de la comédie avec notamment un gimmick récurrent très bien trouvé où Baby se retrouve obligé de rembobiner un morceau en raison d'un contre-temps qui le met hors-rythme. Ce n'est pas grand-chose mais il fallait y penser et en plus c'est drôle !

A l'heure où beaucoup de grosses productions américaines veulent se donner un air cool en mettant une playlist en mode jukebox aléatoire dans leurs films (sans aucune utilisation logique des musiques qui la compose), un film comme Baby Driver fait plaisir de par son utilisation de tous les moyens mis à la disposition de Edgar Wright pour nous faire vivre véritablement la musique.


Tout n'est cependant pas parfait. Le film a en effet tendance à décevoir sur plusieurs points qui faisaient justement la force des précédents films de Wright. Passé la séquence d'ouverture et jusqu'à la dernière demi-heure, le film est beaucoup moins "foufou", beaucoup moins virtuose dans sa mise en scène et son montage que ce à quoi nous a habitué le réalisateur britannique. Le film est beaucoup moins riche en gags visuels et est beaucoup plus premier degré que les précédents films de Wright. Cela n'empêche pas le métrage d'être drôle par moments mais il demeure beaucoup moins jouissif que les standards du cinéaste. Or, Edgar Wright n'est jamais aussi bon que quand il détourne les codes via l'humour et c'est ce qu'il manque à Baby Driver. D'un côté on pourrait voir ça comme un signe de maturité mais l'absence de beaucoup de "tics" de mise en scène, qui font de Wright l'auteur qu'il est, est assez dommageable (pour comprendre de quels gimmicks je veux parler, je vous renvoie à la très intéressante vidéo de Tony Zhou sur le sujet).

Comme déjà dit, ce passage à "vide" ne dure heureusement pas sur la totalité du film. Il y a clairement un ventre mou vers le milieu du métrage, depuis le moment où Baby rencontre Debora jusqu'à l'organisation du coup final en gros. Ce n'est jamais mauvais certes, loin de là, mais en face d'un film de Edgar Wright nous sommes en droit d'avoir des exigences et des attentes plus hautes que pour n'importe quel tâcheron yes-man de service.

Heureusement, tout se remet gentiment en place pour la dernière partie du film, tout autant brillante que la première et ceci pour deux raisons particulières. Tout d'abord, les personnages vivent des destins assez inattendus et le scénario prend vite une tournure assez intéressante. L'écriture de Wright est bien entendu à saluer mais un gros crédit est également à accorder aux acteurs, notamment Jon Hamm, excellent en tous points, débordant de charisme et qui réussit à changer totalement son jeu entre le début et la fin du film. Tout le casting est d'ailleurs au niveau : Ansel Elgort est enfin bien dirigé, Lily James est mignonne comme tout, Jamie Foxx est de retour dans un bon film (même si on regrettera que son personnage soit probablement le moins développé de tous) et Kevin Spacey est comme souvent excellent.


Edgar Wright prouve également, même si n'est pas Paul Greengrass qui veut, qu'il est doué pour filmer l'action et les courses poursuites qui sont en plus, et c'est à saluer, effectuées en très grande partie sans effets spéciaux, Ansel Elgort ayant pris des cours particuliers de conduite. Le professionnalisme de Wright, qui s'est notamment attaché les services d'un ancien braqueur pour mettre au point les scènes de braquage, donne une authenticité certaine à son film.

Baby Driver n'est donc pas parfait, son manque de virtuosité est plutôt étonnant venant d'un réalisateur comme Edgar Wright et on ne peut s'empêcher d'en ressortir en ayant la sensation assez frustrante de ne pas avoir vu tout ce dont il était capable. Il ne se hisse donc pas aux hauteurs de Shaun of The Dead, Hot Fuzz ou Scott Pilgrim et devra se contenter d'être un Wright assez "mineur" en attendant la suite de sa carrière. Il n'en demeure pas moins que c'est évidemment un film à voir et probablement une des meilleures productions américaines qui sortira cet été.
Maintenant, alors qu'une suite est envisagée par Wright, on peut se demander quelle voie va emprunter la suite de sa filmographie : un aspect plus 1er degré et posé à la Baby Driver ou un retour à la comédie folle et jouissive de ses débuts ? Dans tous les cas on demande à voir !