dimanche 23 juillet 2017

Dunkerque (2017)

Titre original : Dunkirk

Date de sortie française : 19 juillet 2017

Réalisateur : Christopher Nolan (également scénariste)

Photographie : Hoyte Van Hoytema

Montage : Lee Smith

Musique : Hans Zimmer

Durée : 1h46

Avec : Fionn Whitehead, Mark Rylance, Jack Lowden, Kenneth Branagh, Tom Hardy, Harry Styles, Cillian Murphy, James D'Arcy




Synopsis : Au début de la Seconde Guerre mondiale, en mai 1940, environ 400 000 soldats britanniques, canadiens, français et belges se retrouvent encerclés par les troupes allemandes dans la poche de Dunkerque. L'Opération Dynamo est mise en place pour évacuer le Corps expéditionnaire britannique (CEB) vers l'Angleterre.
L'histoire s'intéresse aux destins croisés des soldats, pilotes, marins et civils anglais durant l'Opération Dynamo. Alors que le CEB est évacué par le port et les plages de Dunkerque, trois soldats britanniques, avec un peu d'ingéniosité et de chance, arrivent à embarquer sous les bombardements. Un périple bien plus grand les attend : la traversée du détroit du Pas de Calais. (Source :  Wikipédia)



Mon avis


La sortie d'un film de Christopher Nolan est toujours un événement important dans le petit monde du cinéma. Vénéré comme un dieu par certains, conchié par d'autres, le réalisateur britannique s'est construit, depuis sa trilogie Dark Knight, une réputation d'auteur de blockbusters dits "intelligents", qui surnagent par rapport à la concurrence (mais vu celle-ci, on serait tenté de dire que l'exploit est plutôt mince).
Le cinéma de Nolan a toujours occupé une place assez importante chez moi : c'est véritablement après Inception que j'ai commencé à développer ma cinéphilie et c'est à l'occasion de la sortie de Interstellar (dont vous pouvez retrouver la critique ici) que j'ai lancé ce blog. Ces deux films (ainsi que The Dark Knight) occupent d'ailleurs toujours une haute place dans mon estime. Il faut aussi dire que le style du cinéaste m'a toujours particulièrement parlé et ce, malgré les défauts qu'il traîne avec lui depuis ses débuts et qui ont tendance à s'accentuer avec le temps mais j'y reviendrai.

On dit souvent qu'aborder le cinéma de guerre est un passage quasi obligatoire pour tout grand cinéaste qui se respecte : des auteurs hautement reconnus tels que Stanley Kubrick (Les Sentiers de la Gloire / Full Metal Jacket), Sam Peckinpah (Croix de Fer), Francis Ford Coppola (Apocalypse NowSteven Spielberg (Il faut Sauver le Soldat Ryan), Ridley Scott (La Chute du Faucon Noir) ou encore Clint Eastwood (Mémoires de nos pères / Lettres d'Iwo Jima) pour ne citer qu'eux, s'y sont tous attaqués avec succès. Autant dire que le poids sur les épaules de Christopher Nolan n'était pas négligeable et qu'il se devait de ne pas se rater. Comment allait-il traiter le sujet ? Serait-ce enfin ce qu'on pourrait appeler le film de la maturité ?


Dunkerque revient sur l'Opération Dynamo, événement important de la Seconde Guerre Mondiale, qui a permis à près de 340'000 soldats alliés, entourés par les forces allemandes, d'être évacués des plages de Dunkerque. Christopher Nolan se concentre exclusivement sur trois personnages : Tommy (Fionn Whitehead), soldat du corps expéditionnaire britannique, M. Dawson (Mark Rylance), capitaine d'un petit bateau réquisitionné pour récupérer les soldats à Dunkerque et Farrier (Tom Hardy), pilote d'un Spitfire. Trois hommes, trois destins mais également trois temporalités...
Nolan a toujours aimé jouer avec le temps en le manipulant (Inception, Interstellar) ou en l'inversant (Memento). Il reproduit ici donc l'expérience en présentant ses séquences étalées sur 1 semaine (partie dite du môle), 1 jour (le bateau de M. Dawson) et 1 heure (Farrier). Idée intéressante mais qui devient assez rapidement difficile à suivre, sans parler des incohérences que ça introduit.

Nolan a vite présenté ses intentions de faire de Dunkerque une expérience sensorielle avant tout. Cela signifie donc une immersion totale et très peu de dialogues, le récit se concentrant vraiment sur ce que vivent les protagonistes et c'est malheureusement à double tranchant car autant Nolan (et son chef opérateur Hoyte Van Hoytema) est un très bon artisan de l'image, le scénario et l'écriture des personnages ont beaucoup de peine à suivre.
Pourtant le film commence sur des chapeaux de roues avec une séquence présentant Tommy et d'autres soldats anglais en train de fuir les rues de Dunkerque en direction de la plage. Cette séquence est probablement une des meilleures du film et montre que Nolan a un sens certain de la mise en scène en décidant de ne pas montrer d'où vient la menace, comme si celle-ci était invisible.

Une entrée en matière enthousiasmante donc mais qui va rapidement laisser place à un des défauts majeurs du film : son manque d'émotions ! Avant d'être un film de guerre, Dunkerque est d'abord un film de survie et pour entrer dedans, il faut craindre pour les personnages, ressentir de l'empathie pour eux. Or aucun de ceux-ci n'est véritablement développé et ils sont tous assez mal écrits. Comment voulez-vous obtenir un film de survie convainquant quand les personnages eux-mêmes ne vivent pas à l'écran, qu'ils sont uniquement des coquilles vides ? Iñarritu y arrivait bien dans The Revenant car son cinéma sait être viscéral quand il le faut, ce qui n'est pas le cas de celui de Nolan qui est beaucoup trop froid pour ça. Au final, on se retrouve donc avec un film que l'on regarde plus qu'on ne vit et c'est vraiment dommageable quand l'objectif avoué du film est justement de faire vivre une expérience au spectateur.


J'avais déjà relevé un problème de mixage sonore dans Interstellar mais ça ne dérangeait pas outre mesure car la BO de Hans Zimmer était de qualité. Sur Dunkerque, le compositeur allemand collabore une nouvelle fois avec Christopher Nolan et on retrouve à nouveau le même problème mais bien plus dérangeant car la musique de Zimmer dessert totalement le film et la possibilité d'immersion dans celui-ci. Pour donner une idée, toutes ses compositions sont basées sur des tic tacs en crescendo très grossiers sensés appuyer le suspense. Le problème c'est que si Nolan avait plus confiance en ses propres images, il n'utiliserait pas autant la musique : on sait qu'il y a du suspense, de la tension, pas besoin de venir le souligner pendant 1h40 avec la musique. Et c'est là où le bât blesse véritablement, au lieu d'être pris dans le film on en est tenu à l'écart par la lourdeur des "bruits" de Hans Zimmer.
Pourtant le film ne manque pas de passages vraiment tendus et anxiogènes mais il manque la simplicité, la sobriété que devrait donner Nolan à ses images. Certaines des plus belles séquences du métrage, comme celle où un Spitfire en panne sèche perd de l'altitude et est filmé en travelling latéral (avec d'ailleurs une vue sur des bâtiments totalement anachroniques en arrière-plan mais passons), perdent beaucoup en émotion à cause des compositions de Zimmer qui arrive avec ses gros souliers.

C'est très frustrant d'en arriver là car Nolan n'a pas lésiné sur les moyens pour reconstituer la bataille de Dunkerque : milliers de figurants, utilisation des trucages numériques à son minimum, utilisation de vrais Destroyers...L'arrivée de Hoyte Van Hoytema en tant que chef opérateur depuis Interstellar en remplacement de Wally Pfister n'a été que du bonus pour Nolan, Dunkerque étant probablement son plus beau film (les séquences aériennes n'ont pas à rougir face à un film comme La Bataille d'Angleterre par exemple). La question est : peut-on vraiment se contenter d'un beau film lorsque le film échoue dans sa véritable entreprise ? Quand on connaît le potentiel de Christopher Nolan, la réponse est sans appel : non !


Le constat est donc mitigé : nul doute que Dunkerque est un film agréable, qui offre probablement la meilleure reconstitution possible de l'Opération Dynamo et qui a le mérite de ne pas être trop long (1h46, rappelons que Interstellar durait 1 heure de plus). Il est cependant regrettable que Nolan recherche en permanence la sidération, quitte à user d'effets qui desservent sa mise en scène. Sa collaboration avec Hans Zimmer atteint clairement ses limites et peut-être qu'il serait temps pour le cinéaste de chercher de nouveaux horizons au risque de s'enliser dans un style dont il commence déjà à être prisonnier.

Nul doute que certains spectateurs réussiront à entrer dans le film pour le vivre véritablement de la façon pensée par le réalisateur, mais peut-on réellement s'en contenter ? Là où beaucoup de grands réalisateurs ont signé de très grands films de guerre (voir la liste non exhaustive plus haut), Christopher Nolan signe malheureusement un de ses films les plus oubliables, incapable de vraiment décoller et nous laissant finalement comme simples spectateurs qui suivent passivement un groupe de personnages sans vie.

Le métrage va évidemment fonctionner en salles, la question qui se pose aujourd'hui est plutôt : que va faire le cinéaste maintenant ? Va-t-il enfin prendre conscience qu'il est un très bon artisan d'image et nous proposer enfin ce fameux film de la "maturité" ou va-t-il revenir à ce qu'il faisait avec Inception et Interstellar où ses défauts étaient plus facilement noyés dans le grandiose permanent ? C'est à lui-même qu'il appartient de répondre à cette question.


mercredi 12 juillet 2017

Baby Driver (2017)

Titre : Baby Driver

Date de sortie française : 19 juillet 2017

Réalisateur : Edgar Wright (également scénariste)

Photographie : Bill Pope

Montage : Jonathan Amos et Paul Machliss

Musique : Steven Price

Durée : 1h55

Avec : Ansel Elgort, Jon Bernthal, Jon Hamm, Eiza González, Lily James, Kevin Spacey, Jamie Foxx, Micah Howard




Synopsis : Chauffeur pour des braqueurs de banque, Baby a un truc pour être le meilleur dans sa partie : il roule au rythme de sa propre playlist. Lorsqu’il rencontre la fille de ses rêves, Baby cherche à mettre fin à ses activités criminelles pour revenir dans le droit chemin. Mais il est forcé de travailler pour un grand patron du crime et le braquage tourne mal… Désormais, sa liberté, son avenir avec la fille qu’il aime et sa vie sont en jeu. (Source : Allociné)


Mon avis


On l'aura attendu ! Après avoir claqué la porte au projet Ant-Man, qu'il préparait depuis de nombreuses années, car il refusait de se soumettre au formatage Marvel (sans parler du fait que le scénario avait été réécrit dans son dos), le génial Edgar Wright s'était fait assez discret sur son nouveau film. On savait qu'il s'agirait d'un film de braquage avec Ansel Elgort (Divergente, Nos Étoiles Contraires) accompagné d'un casting haut standing mais sans une pléthore d'informations non plus.
Il faut dire qu'avec son nouveau bébé, Wright était attendu au tournant. Le réalisateur britannique s'est déjà affirmé, en l'espace de 4 films dont sa fameuse trilogie Cornetto avec Simon Pegg et Nick Frost, comme un petit génie de la comédie portée par une mise en scène et un montage virtuoses. Ses trouvailles visuelles lui ont très vite conféré un statut d'auteur assez unique dans le paysage cinématographique actuel.
Après avoir revisité le film de Zombie (Shaun of The Dead), le film policier (Hot Fuzz), la science-fiction (Le Dernier Pub avant la Fin du Monde) et s'être essayé brillamment à l'adaptation de comics (Scott Pilgrim), Edgar Wright change donc une nouvelle fois de registre avec Baby Driver mais est-ce que le film répond aux attentes ?

Baby (Ansel Elgort) est un jeune homme, as de la conduite, qui travaille comme chauffeur dans le cadre de braquages afin de rembourser une dette qu'il doit à un big boss du crime (Kevin Spacey). Passionné de musique, ses écouteurs vissés dans ses oreilles, Baby vit au rythme de ses playlists qui l'aident en plus à diminuer les effets désagréables de ses acouphènes dont il souffre à la suite d'un accident de voiture quand il était enfant. Cependant, il va un jour rencontrer Debora (Lily James), la fille de ses rêves et va décider de tout abandonner pour elle.
Le film se présente donc selon le schéma traditionnel du genre, à base de dernier coup et de rédemption. Ce serait cependant sous-estimer l'imagination de Wright dont l'écriture va progressivement dévier vers une histoire plus surprenante et audacieuse.


Le film s'ouvre au beau milieu d'une opération pour Baby et sa "bande". La musique vibre, les pneus crissent. On est tout de suite projeté dans le monde de Edgar Wright : c'est très dynamique, sans temps mort, il y a quelques gags visuels bien sentis (dont un déjà visible dans la bande-annonce malheureusement) et la musique est parfaitement utilisée.
La musique, parlons-en justement. Si celle-ci a toujours eu une grande importance dans les films de Edgar Wright (on se rappelle tous de cette formidable séquence de tabassage de zombie dans Shaun of the Dead ou de l'affrontement musical dans Scott Pilgrim), elle fait office ici de véritable colonne vertébrale du métrage.

Là où Scott Pilgrim était un bel hommage au jeu-vidéo, Baby Driver fait pareil envers la musique qui, en plus de rythmer tout le film, est également à 100% intradiégétique. Ceci fait que l'on vit les aventures de Baby non seulement selon son regard, mais également par le son qui sort de ses écouteurs et qu'il est souvent le seul à entendre.
Edgar Wright utilise absolument tous les outils dans son escarcelle pour utiliser la musique à bon escient. Entre le choix des titres savamment choisis et les chorégraphies millimétrées pour coller au tempo, en passant par un montage sonore aux petits oignons, le cinéaste régale nos yeux et nos oreilles. Il n'en oublie pas pour autant de faire de la comédie avec notamment un gimmick récurrent très bien trouvé où Baby se retrouve obligé de rembobiner un morceau en raison d'un contre-temps qui le met hors-rythme. Ce n'est pas grand-chose mais il fallait y penser et en plus c'est drôle !

A l'heure où beaucoup de grosses productions américaines veulent se donner un air cool en mettant une playlist en mode jukebox aléatoire dans leurs films (sans aucune utilisation logique des musiques qui la compose), un film comme Baby Driver fait plaisir de par son utilisation de tous les moyens mis à la disposition de Edgar Wright pour nous faire vivre véritablement la musique.


Tout n'est cependant pas parfait. Le film a en effet tendance à décevoir sur plusieurs points qui faisaient justement la force des précédents films de Wright. Passé la séquence d'ouverture et jusqu'à la dernière demi-heure, le film est beaucoup moins "foufou", beaucoup moins virtuose dans sa mise en scène et son montage que ce à quoi nous a habitué le réalisateur britannique. Le film est beaucoup moins riche en gags visuels et est beaucoup plus premier degré que les précédents films de Wright. Cela n'empêche pas le métrage d'être drôle par moments mais il demeure beaucoup moins jouissif que les standards du cinéaste. Or, Edgar Wright n'est jamais aussi bon que quand il détourne les codes via l'humour et c'est ce qu'il manque à Baby Driver. D'un côté on pourrait voir ça comme un signe de maturité mais l'absence de beaucoup de "tics" de mise en scène, qui font de Wright l'auteur qu'il est, est assez dommageable (pour comprendre de quels gimmicks je veux parler, je vous renvoie à la très intéressante vidéo de Tony Zhou sur le sujet).

Comme déjà dit, ce passage à "vide" ne dure heureusement pas sur la totalité du film. Il y a clairement un ventre mou vers le milieu du métrage, depuis le moment où Baby rencontre Debora jusqu'à l'organisation du coup final en gros. Ce n'est jamais mauvais certes, loin de là, mais en face d'un film de Edgar Wright nous sommes en droit d'avoir des exigences et des attentes plus hautes que pour n'importe quel tâcheron yes-man de service.

Heureusement, tout se remet gentiment en place pour la dernière partie du film, tout autant brillante que la première et ceci pour deux raisons particulières. Tout d'abord, les personnages vivent des destins assez inattendus et le scénario prend vite une tournure assez intéressante. L'écriture de Wright est bien entendu à saluer mais un gros crédit est également à accorder aux acteurs, notamment Jon Hamm, excellent en tous points, débordant de charisme et qui réussit à changer totalement son jeu entre le début et la fin du film. Tout le casting est d'ailleurs au niveau : Ansel Elgort est enfin bien dirigé, Lily James est mignonne comme tout, Jamie Foxx est de retour dans un bon film (même si on regrettera que son personnage soit probablement le moins développé de tous) et Kevin Spacey est comme souvent excellent.


Edgar Wright prouve également, même si n'est pas Paul Greengrass qui veut, qu'il est doué pour filmer l'action et les courses poursuites qui sont en plus, et c'est à saluer, effectuées en très grande partie sans effets spéciaux, Ansel Elgort ayant pris des cours particuliers de conduite. Le professionnalisme de Wright, qui s'est notamment attaché les services d'un ancien braqueur pour mettre au point les scènes de braquage, donne une authenticité certaine à son film.

Baby Driver n'est donc pas parfait, son manque de virtuosité est plutôt étonnant venant d'un réalisateur comme Edgar Wright et on ne peut s'empêcher d'en ressortir en ayant la sensation assez frustrante de ne pas avoir vu tout ce dont il était capable. Il ne se hisse donc pas aux hauteurs de Shaun of The Dead, Hot Fuzz ou Scott Pilgrim et devra se contenter d'être un Wright assez "mineur" en attendant la suite de sa carrière. Il n'en demeure pas moins que c'est évidemment un film à voir et probablement une des meilleures productions américaines qui sortira cet été.
Maintenant, alors qu'une suite est envisagée par Wright, on peut se demander quelle voie va emprunter la suite de sa filmographie : un aspect plus 1er degré et posé à la Baby Driver ou un retour à la comédie folle et jouissive de ses débuts ? Dans tous les cas on demande à voir !


jeudi 8 juin 2017

Alien : Covenant (2017)

Titre : Alien: Covenant

Date de sortie française : 10 mai 2017

Réalisateur : Ridley Scott

Scénario : Michael Green, Jack Paglen, John Logan et Dante Harper d'après les personnages créés par Dan O'Bannon et Ronald Shusett

Photographie : Dariusz Wolski

Montage : Pietro Scalia

Musique : Jed Kurzel

Durée : 2h02

Avec : Michael Fassbender, Katherine Waterston, Billy Crudup, Danny McBride, Demián Bichir, Carmen Ejogo, Jussie Smollett, Callie Hernandez

Synopsis Les membres d’équipage du vaisseau Covenant, à destination d’une planète située au fin fond de notre galaxie, découvrent ce qu’ils pensent être un paradis encore intouché. Il s’agit en fait d’un monde sombre et dangereux, cachant une menace terrible. Ils vont tout tenter pour s’échapper. (Source : Allociné)


Mon avis



S'il y a bien quelque chose qu'on ne peut enlever à Ridley Scott, c'est son activité dans le milieu. Sur plein de projets à la fois (les différentes préquels + éventuelles suites de Alien, Blade Runner 2049), le réalisateur britannique a rarement été autant actif malgré l'aube de ses 80 ans qui se profile devant lui.
Pourtant, pour beaucoup, Ridley Scott a perdu le mojo, le public prenant un malin plaisir à conchier sur tout ce qui sort de l'esprit du cinéaste (parfois à raison mais souvent à tort d'ailleurs). Prometheus n'avait d'ailleurs pas échappé à ce bashing. Le film, qui était annoncé comme un préquel à Alien: Le 8ème passager, avait énormément déçu les fans qui ont reproché au film de trahir l'esprit du film qui a rendu Ridley Scott célèbre. Or, c'était exactement ce qui était réussi dans Prometheus : cette manière d'aborder un univers d'une autre manière, beaucoup plus mythologique et créationniste, tout en ouvrant des possibilités nouvelles (rappelons que Prometheus était le premier film de Scott en numérique et en 3D native !).

Avec Alien: Covenant - qui aura d'ailleurs changé plusieurs fois de nom en cours de production, passant de Paradise à Paradise Lost (tiens tiens !) puis à Covenant - Ridley Scott continue son exploration de l'univers des xénomorphes  en proposant à la fois une suite à Prometheus et un rattachement à Alien: Le 8ème passager pour un résultat plutôt satisfaisant dans l'ensemble, bien que le film souffre de grosses faiblesses.


Dans toute la première partie, ce qu'il se passe devant nos yeux est pourtant excellent, à l'image de cette séquence d'introduction austère, très scottienne dans l'esprit et enjolivée par le (à nouveau) très beau travail photographique de Dariusz Wolski. Cette première séquence porte sur la création, le rapport entre celui qui crée et celui qui est créé. Le film rejoint ici directement Prometheus dans ses thématiques et ses personnages.
Puis, sans crier gare, nous sommes projeté dans l'espace, la caméra de Scott glisse le long de l'USCSS Covenant tandis que Walter (le double de David, également interprété par le toujours autant envoûtant Michael Fassbender) déploie un immense écran à l'avant du vaisseau lors d'une séquence où Ridley Scott démontre tout de suite la maîtrise formelle de son sujet.

Car oui, tout comme l'était Prometheus, Alien: Covenant est beau. Ridley Scott a toujours accordé beaucoup d'importance au visuel de ses films (il sort d'ailleurs de la même école qu'un certain...Michael Mann !) et cette dernière cuvée ne déroge pas à la règle.
Comme déjà mentionné, toute la première heure est excellente à tous les niveaux : mise en contexte, présentation des nouveaux personnages (sur lesquels nous reviendrons) et très rapidement les premiers problèmes. Scott démontre ici qu'il n'a pas perdu son talent pour créer de la tension, notamment lors d'une séquence assez folle (et très sanglante) qui voit l'apparition à l'écran du premier Neomorph.

La relation particulière entre Walter et David est particulièrement réussie, la séquence de la flûte est notamment un exemple de mise en scène simple et qui fait passer énormément de choses sans trop en dire. On pourra regretter qu'aucun autre personnage n'attire vraiment d'empathie mais il s'agit surtout d'un choix de Ridley Scott (qui n'a jamais véritablement aimé ses personnages dans ses films) afin qui le spectateur ressente la même amertume envers ces personnages que David a envers les hommes.


Cependant, si toute cette fameuse première partie brille par son intelligence et sa mise en scène, le soufflé retombe clairement dans une seconde moitié beaucoup moins inspirée où Ridley Scott tombe à plusieurs moments dans les travers du fan-service sans réelle saveur. Si on peut lui pardonner le fait qu'il ne fait pas reposer la peur sur le fait de ne pas voir le xénomorphe (nous ne sommes plus dans le premier film, tout le monde connaît l'Alien et remonter un suspens là-dessus aurait été ridicule) et le fait que ce même xénomorphe ne soit pas le vrai antagoniste du film, difficile de laisser passer certaines fautes de goût, que ce soit sur le design de la créature elle-même ou quelques ratés dans les effets spéciaux que l'on attribuera au budget (très inférieur à celui de Prometheus).

Mais surtout, le film peine à vraiment passionner une fois passée l'heure de métrage, la faut à un récit en roue libre. Rajoutons à ça quelques choix de montage vraiment douteux (dont un flashback au milieu du film qui n'a rien à faire là et quelques ellipses pas très inspirées) et une dernière demi-heure qui tombe, pour le coup, dans le too much visuel typique d'un film de studio qui veut en mettre plein les yeux, et l'équilibre qu'avait instauré Scott jusque -là s'en retrouve fortement ébranlé.

C'est là le grand drame de Alien: Covenant, un film maîtrisé sur beaucoup d'aspects mais plombé par un récit qui peine à véritablement se trouver et un certain mauvais goût visuel qui fait tâche chez un puriste de l'image tel que Ridley Scott. Il est certain que le film aura beaucoup de peine à réconcilier les détracteurs de Prometheus avec cette série de préquels. Une question demeure pourtant : qu'a encore à raconter Scott dans cet univers ? La fin de Covenant, grossière, montre déjà les limites de l'exploration des xénomorphes et on ne peut s'empêcher de penser qu'il faudrait peut-être mieux en rester là.


dimanche 12 mars 2017

Logan (2017)

Titre : Logan

Date de sortie française : 1er mars 2017

Réalisateur : James Mangold

Scénario : Scott Frank, James Mangold et Michael Green d'après le comic-book Old Man Logan

Photographie : John Mathieson

Montage : Michael McCusker et Dirk Westervelt

Musique : Marco Beltrami

Durée : 2h15

Avec : Hugh Jackman, Patrick Stewart, Dafne Keen, Boyd Holbrook, Stephen Merchant, Elizabeth Rodriguez, Richard E. Grant, Eriq La Salle, Elise Neal

Synopsis Dans un futur proche, un certain Logan, épuisé de fatigue, s’occupe d’un Professeur X souffrant, dans un lieu gardé secret à la frontière Mexicaine. Mais les tentatives de Logan pour se retrancher du monde et rompre avec son passé vont s’épuiser lorsqu’une jeune mutante traquée par de sombres individus va se retrouver soudainement face à lui. (Source : Premiere.fr)


Mon avis


Si les films super-héroïques occupent aujourd'hui une place majeure dans le paysage cinématographique hollywoodien, cela n'a pas toujours été le cas. Richard Donner et Tim Burton avaient réalisé d'excellentes choses avec Superman et Batman respectivement mais il a fallu attendre l'an 2000 et le X-Men de Bryan Singer pour que le genre se développe véritablement et entre dans une nouvelle ère.
Dix-sept ans plus tard, il est triste de constater que la qualité s'est drastiquement détériorée : Disney/Marvel préférant la quantité à la qualité et Warner/DC leur emboîtant le pas, à croire que c'est un concours de qui fera le plus mauvais film.

Il ne faut cependant pas oublier qu'il y a encore des survivants du X-Men de Singer et le plus emblématique est certainement Wolverine, interprété depuis 17 ans par Hugh Jackman qui a connu la gloire grâce à ce rôle.
Ce filon a très vite été exploité par la Fox, studio à l'origine de tous les films de la franchise, qui sort en 2009 X-Men Origins : Wolverine, un film raté dans les grandes largeurs et dont le flop annulera pendant un long moments d'autres projets d'origin stories autour des mutants.
L'arrivée de James Mangold pour Wolverine : Le Combat de l'immortel, en 2013, s'était soldé par un film très imparfait, typique d'un studio qui ne laisse pas carte blanche à son réalisateur, qui plus est plutôt talentueux.

Logan était donc la dernière chance d'offrir une sortie digne de ce nom à Hugh Jackman pour sa dernière apparition dans le rôle. Le film ayant reçu l'accord de la Fox pour être classé Rated R aux Etats-Unis (le succès de Deadpool ayant beaucoup aidé en ce sens) et James Mangold ayant bénéficié d'une liberté bien plus importante que pour Le Combat de l'immortel, le film s'annonçait très prometteur et il s'agit en effet d'une très belle réussite !


Le film nous plonge en 2029 (donc après n'importe quel film X-Men) où l'on retrouve un Logan vieilli, dont les pouvoirs s'amenuisent, à une époque où les mutants sont proches de l'extinction. Logan passe ses journées en tant que chauffeur et se procure en douce des médicaments pour soigner un professeur Charles Xavier (Patrick Stewart) proche de la sénilité et en proie à des crises pendant lesquelles il perd le contrôle de ses dons de télépathie, ce qui a des effets dévastateurs. Considéré comme le cerveau le plus dangereux du monde, le Professeur X est donc gardé par Logan à l'écart de la société, dans une zone désert proche de la frontière Mexicaine. L'irruption d'une petite fille ayant des pouvoirs similaires à Logan et poursuivie par le gouvernement va pousser ce dernier à entreprendre un road trip très dangereux pour l'emmener en sécurité.

S'il semble utile de rappeler les enjeux, c'est essentiellement parce que nous somme cette fois-ci vraiment en présence d'un film de James Mangold avant tout, le réalisateur de Walk the Line nous emmenant au cœur d'un neo-western crépusculaire où les héros de jadis ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes, vieillis et courbés, à la manière d'une véritable fresque peckinpahesque !
L'ambition de Mangold est manifeste, faire autre chose, aborder le genre super-héroïque d'une manière bien plus violente et désenchantée. Car oui, Logan est violent, il y a du démembrement, ça parle crûment mais ce n'est jamais gratuit car c'est avant tout la société qui est violente.

Les thématiques brassées par le film sont multiples : le rapport à la vieillesse, à la maladie, à la famille, le combat contre soi-même. Ce dernier aspect est d'ailleurs un des éléments importants de l'intrigue qui se transforme pour le coup en Combat du mortel, contrairement à son prédécesseur. L'adamantium greffé au squelette de Logan, commence à l'empoisonner tel un cancer (parallèle intéressant à faire quand on sait que Hugh Jackman doit lui-même faire face à cette maladie). Il doit donc se battre contre ceux qui les pourchassent mais avant tout contre lui-même, jusqu'au point d'en arriver à affronter son propre double, métaphore assez peu subtile mais qui fait sens.


James Mangold brasse avec un certain talent plusieurs genres, que ce soit le western évidemment, avec d'ailleurs une référence explicite à L'homme des Vallées perdues auquel il emprunte certaines thématiques, le post-apocalyptique (Mad Max n'est jamais loin), le road-trip ou le drame. Tout ceci se mélange pour donner un film vraiment singulier qui ne parle pas tant de super-héros mais plus de mythes déchus qui ne sont plus à leur place dans la société et qui effectuent un dernier baroud d'honneur (la comparaison précédente avec Sam Peckinpah n'est donc pas tirée par les cheveux, c'est un schéma que l'on retrouve souvent chez lui, ne serait-ce que dans La Horde Sauvage).

Ces figures vieillissantes, ce sont Logan et Charles, les derniers représentants du X-Men de Bryan Singer qui vivent toujours la même relation professeur-élève qui jongle entre le profond respect et la chamaillerie. Le symbole d'espoir est, de manière assez paradoxale quand on connaît son histoire, la jeune Laura (Dafne Keen dans son premier rôle au cinéma) qui représente, elle, le futur, le prolongement de Wolverine et des mutants dans leur ensemble.
Les relations tissées entre ces trois personnages sont particulièrement réussies et trouvent leur point d'orgue lors d'une scène de repas, probablement la plus belle du film, durant laquelle il y a une sorte de tentative de reconstruction de la cellule familiale. C'est simple, beau et c'est certainement le moment le plus posé du film. Toute la symbolique du dernier repas prend d'ailleurs un sens très premier degré suite au destin funèbre de certains des personnages...

L'intrigue se concentrant quasi-totalement sur ce trio, le revers de la médaille est que les personnages secondaires sont trop effacés pour être réellement intéressants à l'image de Donald (Boyd Holbrook), antagoniste de fonction, trop anecdotique pour être véritablement menaçant. Mais est-ce réellement un défaut quand, un acteur comme Hugh Jackman irradie l'écran en face ? On vous laissera juges...


Logan, c'est également l'occasion pour James Mangold de se réaffirmer comme étant un réalisateur vraiment intéressant et de nous conforter dans notre idée que Le Combat de l'immortel n'était qu'une erreur de parcours due aux volontés de la Fox. L'ancien protégé de Milos Forman sait composer ses cadres et instaurer une véritable ambiance dans son long-métrage, aidé, il est vrai, par l'excellent travail photographique de John Mathieson, collaborateur occasionnel de Ridley Scott au demeurant.
La lisibilité de sa mise en scène, notamment lors des séquences de combat, est également à signaler, surtout que la violence arrive par pics et qu'elle n'est jamais gratuite, le véritable combat se déroulant dans le corps même de Logan.

On retrouve en plus enfin un Marco Beltrami inspiré, même si ses compositions se retrouvent souvent en retrait. Un grand pas en avant pour un compositeur talentueux mais bien trop souvent embarqué dans des blockbusters insipides (pour ne pas utiliser d'autre terme).
Pourtant, et de manière finalement assez logique, c'est sur du Johnny Cash que se termine Logan, tel un clin-d'oeil de Mangold à cet artiste qu'il apprécie particulièrement et qui aura si bien chanté la douleur.

Finalement, Logan ce n'est ni plus ni moins que le meilleur film de super-héros depuis Days of Future Past et l'exemple parfait de ce que peut faire un réalisateur compétent lorsqu'on le laisse faire son film selon sa vision.
Encore plus même qu'un simple film de super-héros, Logan est avant tout un film de James Mangold avec son visuel et ses thématiques, qui offre enfin à Wolverine et Hugh Jackman le film qu'il aurait toujours dû avoir et surtout la fin qu'il mérite.
Le film est certes imparfait, il met passablement de temps à véritablement démarrer, les personnages secondaires ne sont pas assez approfondis et certaines lourdeurs viennent entacher le récit. Il n'en demeure pas moins que c'est le genre de blockbusters que je veux voir, encore plus dans ce genre super-héroïque si formaté et voué à la médiocrité.


vendredi 3 mars 2017

(Re)visionnages récents - 6

La Porte du paradis (1980) - Michael Cimino

Mulan (1998) - Tony Bancroft et Barry Cook


Mulan a toujours été mon Disney préféré, c'est celui que j'ai le plus vu étant petit, je me passais toutes les chansons du films en boucle, il y a donc un aspect très personnel là-dedans mais le film en soit contient énormément de qualités. Déjà je suis très friand de la culture orientale, je trouve ça vraiment passionnant et voir Disney (très américain) s'attaquer pour la première fois à une légende chinoise c'est vraiment du genre à m'émoustiller. Parce que Mulan est un super film, certes très épuré dans sa direction artistique mais collant parfaitement avec le style oriental. Les personnages sont attachants : Mulan est pour moi la meilleure héroïne Disney (parce que pour le coup elle effectue véritablement des actes héroïques !), j'adore Muchu (que beaucoup trouvent insupportables) et Shan-Yu est monstrueusement classe !

Niveau animation, c'est parfois la folie pure, comme l'incroyable séquence dans la montagne avec l'armée des Huns et l'avalanche. Même au niveau musical on passe à un niveau supérieur avec l'arrivée du légendaire Jerry Goldsmith qui signe quelques uns des thèmes que j'aime le plus dans la longue filmographie de Disney (notamment ce thème) et qui marque véritablement le passage de Mulan de la fille fragile à la femme).

J'ai entendu beaucoup de critiques sur Mulan disant que le film serait misogyne, macho et j'en passe des meilleures. Certes certains passages donnent l'impression d'aller clairement dans ce sens (la chanson "Comme un homme" en est un bel exemple) mais il faut voir comment sont caractérisés les soldats au début du film : ce sont soit des porcs, soit des gros beaufs, la toile dressée n'est pas vraiment joyeuse à ce niveau-là non plus !
Et puis surtout Mulan c'est l'histoire d'une fille qui se déguise en homme pour enfin devenir une vraie femme courageuse et intelligente, ce n'est pas un beau message ça ?
En plus, lors de la dernière séquence au palais de l'empereur, ce sont les hommes qui se griment en concubines pour tromper la vigilance des soldats de Shan-Yu et c'est Mulan seule qui donne le coup fatal ! Alors, un film macho ? Vraiment ?

On pourra toujours reprocher au film quelques incohérences et ficelles scénaristiques, comme le fait que l'armure du père à Mulan lui aille parfaitement alors que celui-ci est bien plus grand qu'elle ou le fait que personne n'ait remarqué plus tôt que Mulan était une femme (à ce point faut être bigleux, je ne vois pas d'autre explication) mais tout ceci participe au charme du film et j'aurais vraiment du mal à lui en tenir rigueur car tous les Disney en contiennent.

Un film toujours aussi sublime et le dernier grand Disney !


Assassin's Creed (2016) - Justin Kurzel


On connaît la relation qu'entretient Hollywood avec les adaptations de jeux-vidéos, à chaque fois on nous fait miroiter un miracle et à chaque fois ça donne la même soupe imbuvable. Après l'ignoble Warcraft sorti cet été, c'est au tour d'Ubisoft d'adapter sa franchise phare et, ô surprise, c'est à nouveau mauvais !

C'est la mode de nos jours, prendre un réalisateur prometteur, le mettre à la barre d'un blockbuster en roue libre et le saboter complètement sur l'autel de la bêtise. C'est ce qu'est Assassin's Creed, un film d'une bêtise sans nom qui semble avoir été lâché par la Fox avant même sa sortie à en voir la campagne de promotion quasiment inexistante. A sa tête, Justin Kurzel qui reprend son casting de Macbeth et qui en fait n'importe quoi tout simplement parce qu'il semble n'en avoir rien à foutre.


Non mais franchement, qui a cru à un moment donné que ce serait une bonne idée de faire ça ? Alors que tout l'intérêt du jeu réside justement à incarner un Assassin dans le passé, ici les séquences se déroulant en Espagne occupent à tout casser 20 minutes, le reste ce n'est que des tunnels de dialogues interminables tentant sans jamais y parvenir de développer une intrigue qu'un enfant de 12 ans aurait pu imaginer sans trop se creuser le cerveau. Et le pire c'est que tout ceci se prend incroyablement au sérieux ! Si c'était fun à la limite je pourrais lui pardonner certaines tares (encore que...) mais là c'est vraiment pas possible, tout semble forcé et prétexte à des scènes d'action illisibles et montées à la truelle, entrecoupées de séquences dans le présent avec Fassbender qui ne se bat contre rien du tout, qui a pensé ne serait-ce qu'une seconde que ce serait cool de faire ça ? Car non ça ne l'est pas, ça casse juste encore plus le rythme des affrontements qui sont déjà complètement loupés à ce niveau-là.

Et que dire du visuel ? Ça oscille entre le mauvais goût, les effets numériques dégueulasses et la suresthétisation ridicule, ça devrait être interdit par la loi de sortir des trucs pareils.
Finalement on arrive péniblement au bout des deux heures, rien ne s'est passé, aucune dramaturgie n'a été mise en place, on aura beau eu nous expliquer 4 fois l'importance de la Pomme (merci Jeremy Irons) on en est toujours autant avancé qu'au début.

Assassin's Creed c'est l'exemple typique du navet made in Hollywood, sans âme, sans volonté de proposer quoi que ce soit ou de développer une once de thématique intéressante...le néant absolu !


La Chair et le Sang (1985) - Paul Verhoeven


Après être devenu indésirable dans son pays natal, Paul Verhoeven s'exile aux Etats-Unis où il y tournera 7 films et où son cinéma prendra une nouvelle envergure.
La Chair et le Sang est le premier film de la carrière américaine de Verhoeven et préfigure déjà tout ce qu'il fera outre-atlantique, tout en gardant sa patte et son regard si particulier sur l'être humain.

Dès le début, on est plongé dans la violence traditionnelle du cinéaste qui décide ici de la transposer au 16ème siècle. Comme à son habitude, le hollandais violent est très crû dans ce qu'il montre, en témoigne cette scène de viol collectif sur le personnage de la jeune et sublime Jennifer Jason Leigh dans son premier grand rôle.

Verhoeven laisse volontairement de côté le réalisme de la reconstitution historique pour se concentrer sur ses personnages, emmenés par le toujours autant charismatique Rutger Hauer, leur foi et leurs pulsions. Il prend toujours un malin plaisir à jouer sur les tonalités et évite soigneusement tout manichéisme. L'identification aux personnages est volontairement empêchée tant ceux-ci sont pour la plupart des salopards.
La Chair et le Sang c'est aussi l'histoire d'une femme qui ne se laisse pas faire, qui manipule le personnage de Martin (Hauer justement) comme en témoigne par exemple la scène du viol où elle resserre ses jambes sur lui en lui disant "maintenant c'est moi qui te baise".

Un thème cher à Verhoeven revient aussi dans le film : celui de l'émancipation ou plutôt de la tentative d'émancipation. Martin est censé être à la tête d'une petite communauté soudée (il aurait d'ailleurs été choisi par Saint Martin lui-même) mais son individualisme prend vite le dessus lorsqu'il refuse de partager le corps de Agnès. C'est ce qui rend les personnages du cinéaste si intéressants, leur ambiguïté due à cette incapacité de vivre en communauté.
Bien évidemment, Verhoeven arrive toujours à accompagner son fond d'une formidable mise en scène, toujours extrêmement précise et avec à nouveau une très belle photographie de Jan de Bont, toujours dans des tons chauds, qui a suivi son ami Verhoeven jusqu'aux Etats-Unis...

Un super film qui annonce déjà un avenir radieux pour le hollandais violent et qui pose les bases, bien qu'assez éloigné, d'un certain Robocop !


The Social Network (2010) - David Fincher


Je suis toujours impressionné par la capacité qu'a David Fincher de ressortir le meilleur de tout ce qui tombe entre ses main, même avec un projet casse-gueule comme The Social Network.
Déjà lors de mon premier visionnage j'avais été fasciné par la manière avec laquelle Fincher met en scène le génie (bien aidé certes par l'écriture de Aaron Sorkin). Ici Zuckerberg domine vraiment le spectateur intellectuellement parlant, on sent qu'il est vraiment surdoué, dans sa manière de parler, de travailler, d'être tout simplement (je le précise ici car j'ai visionné le "Snowden" de Oliver Stone la veille et Fincher réussit justement ce qu'a de la peine à faire Stone, c'est-à-dire mettre en scène un génie de l'informatique).

Et ça se remarque dès la formidable séquence d'ouverture entre Mark Zuckerberg et celle qui est encore pendant quelques minutes sa petite-amie. Le rythme imposé par les dialogues est décoiffant, Zuckerberg parle véritablement comme il code et il semble un peu déconnecté de la réalité...et Fincher filme ça à la perfection (on parle d'une centaine de prises pour obtenir le résultat, signe encore une fois de l'obsession de la perfection qu'a le cinéaste). Le tout est en plus accompagné des compositions enivrantes de Reznor et Ross, qui vont d'ailleurs continuer de collaborer avec Fincher pour ses films suivants...

Jesse Eisenberg ne joue pas Mark Zuckerberg, il EST Mark Zuckerberg, tout le reste du casting est d'ailleurs génial, que ce soit les premiers rôles ou les seconds couteaux.

The Social Network est le biopic quasi-parfait, doté d'une intelligence d'écriture rare et mis en scène par un cinéaste qui est tout autant doué dans son domaine que le personnage qu'il filme.


Paterson (2016) - Jim Jarmusch


Les films présentant un personnage ordinaire, pas forcément intéressant au premier abord, sont nombreux. Seulement, là où beaucoup de ces personnages essaient à un moment ou à un autre de se révolter, de faire quelque chose d'extraordinaire dans leur vie, Jim Jarmusch en fait l'opposé en faisant l'éloge du quotidien, celui de Paterson, un chauffeur de bus, poète à ses heures perdues, dans la ville du même nom (ça ne s'invente pas quand on nous parle dès le début d'un rêve concernant des jumeaux, beaucoup de choses vont de paire dans ce film).

Paterson présente donc une semaine entière de la vie de cet homme (magnifique Adam Driver) qui se lève tous les jours à la même heure sans avoir besoin de réveil, qui va faire sa tournée en bus et qui rentre chez lui le soir retrouver sa petite-amie, créatrice dans l'âme avant de finir sa soirée en buvant une bière au bar du coin.
Ce train-train quotidien pourrait sembler barbant à première vue mais ce serait oublier le talent de Jim Jarmusch pour mettre en scène et raconter son histoire. On s'attache extrêmement vite à Paterson et chaque rencontre qu'il fera (dont notamment Method Man qui fait une apparition, j'ai été très surpris !), chaque conversation qu'il écoutera du coin de l'oreille au volant de son bus seront finalement de micro-événements qui font de lui l'homme qu'il est et l'homme qu'il sera.

Et c'est juste beau ! C'est beau de voir se couple s'aimer infiniment, comme si rien ne pouvait leur arriver, c'est beau de voir Paterson aborder une petite fille, qui écrit elle-même ses poèmes, et d'être sous le charme de l'un de ses textes, c'est beau de le voir arriver au bar, discuter avec le tenancier pendant qu'un homme vit un immense chagrin à cause d'un amour impossible.

Le film entier est un poème à la vie, Jim Jarmusch filme simplement de très beaux personnages (tous formidablement interprétés) qui font de belles rencontres et vivent de beaux moments malgré la banalité.


Vivre (1952) - Akira Kurosawa


Premier film de Akira Kurosawa se déroulant à notre époque que j'ai la chance de visionner et tout de suite ce qui saute aux yeux c'est la (désormais) traditionnelle maîtrise du cadre, ces mouvements de caméras réglés au millimètre et ces compositions qui, même si elles ne m'ont pas impressionnées comme dans Les 7 Samouraïs ou La Forteresse cachée, relève régulièrement du grand art !

Kurosawa reste dans l'exploration de la société humaine, le monde des fonctionnaires en l'occurrence et place là au milieu un homme qui n'a jamais manqué un seul jour de travail en 30 ans et qui va apprendre qu'il est atteint d'un cancer à l'estomac ne lui laissant plus que quelques mois à vivre.

Kurosawa nous pose donc une question simple mais terrible : que ferions-nous s'il nous restait 6 mois à vivre ? Kanji Watanabe (fantastique Takashi Shimura) fait tout d'abord ce que beaucoup d'entre nous feraient : rattraper le temps perdu. Le temps d'une nuit il boit, il joue, il chante (magnifique scène d'ailleurs). Puis il se met dans l'esprit de construire un parc où les enfants pourraient s'amuser.

Puis soudain : cut !
On est directement projeté 5 mois plus tard aux funérailles de Watanabe auxquels assistent ses collègues et sa famille à qui il avait caché sa maladie. Passé ce moment, le récit prend une tournure rappelant un peu celle de Rashomon, différents personnages vont raconter une étape du projet de Watanabe concernant le parc et les difficultés qui se sont dressées sur le chemin de cet homme déjà mort qui erre tel un fantôme.

Kurosawa jette un regard assez satirique sur son histoire, en témoigne par exemple la séquence où les médecins n'osent avouer à Watanabe son cancer, préférant parler "d'ulcère bénin". Il n'en oublie cependant pas ses très beaux personnages, capables d'émouvoir profondément par un simple regard.

Pourtant, malgré toutes ces qualités, cette maîtrise que personne ne pourra nier, c'est certainement le Kurosawa que j'ai le moins apprécié pour l'instant (comprenez : que je n'ai pas adoré comme les autres), peut-être est-ce le fait qu'il m'a fallu un moment pour m'habituer à cet environnement moderne alors que j'ai eu l'habitude, pour l'instant, de voir le maître filmer des samouraïs et autres guerriers du Japon médiéval.
Ce petit bémol personnel ne remettra de toute manière pas en cause l'immense film qu'est Vivre.


La Horde Sauvage (1969) - Sam Peckinpah


Je continue ma découverte du cinéma de Peckinpah avec un de ses films les plus connus : La Horde Sauvage, western sorti en 1969.
Le Nouvel Hollywood est en train de se mettre en route et ça se ressent. Sam Peckinpah est réputé pour la violence de son cinéma, La Horde Sauvage ne fait pas exception puisqu'il s'agit tout simplement d'un des westerns les plus violents jamais réalisés.
Deux grosses scènes d'une grande violence ouvrent et concluent le film mais, contrairement à ce qui a pu être dit, la violence n'est pas gratuite, c'est plus un témoignage tragique sur la nature humaine, sur une Amérique brisée dont les héros ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes.

Fini le temps des westerns aux grand héros quasi mythologiques et intouchables, ici ce sont des brigands, des salopards que l'on va suivre pendant près de 2h30 en train de préparer un ultime coup.
Peckinpah se refuse donc ici tout manichéisme, c'est sale, peu accueillant et personne n'est tout blanc...

Et il y a la mise en scène - osons le dire - incroyable du cinéaste, ces ralentis de corps qui tombent comme seul lui sait les faire, ces zooms et mouvements de caméra très amples, le films (surtout dans sa dernière heure) est un régal pour les yeux et ses scènes de massacres sont, malgré leur cruauté, purement jouissives !

On pourra regretter une première heure qui souffre d'un léger manque de rythme, la véritable histoire et les véritables enjeux n'étant mis en place qu'une fois passé ce palier, mais la maestria qui suit est telle que le film se place sans trop de soucis dans le Panthéon du Nouvel Hollywood !


La Grande Muraille (2017) - Zhang Yimou


Premier projet le plus improbable de l'année, La Grande Muraille avait de quoi faire peur à la vue des premières images. Cependant, cette commande d'Universal, production américaine "blockbusteresque" n'est pas le ratage attendu et la raison a un nom : Zhang Yimou.

Car oui, il s'agit certes d'un film destiné au public occidental (le cast de Matt Damon va clairement dans ce sens) mais la liberté qui a été laissée à Yimou en fait un film que se démarque du blockbuster habituel.
Alors non ce n'est pas un grand film, il y a plein de problèmes, de grosses ficelles scénaristiques, des deus ex machina à toutes les sauces, des effets spéciaux parfois totalement raté, le design des "bêtes" qui l'est tout autant, une soupe auditive bien américaine et j'en passe...

Il n'en demeure pas moins que le film est assez jouasse, plutôt beau visuellement par moments et contient nombre d'idées qu'on ne verrait pas dans un blockbuster américain lambda, par exemple les femmes qui tapent les tambours de guerre avec des nunchaku, les différentes couleurs des combattant qui font très Power Rangers a priori mais qui ajoutent une lisibilité bienvenue dans les combats. Ces derniers, d'ailleurs, se renouvellent beaucoup, il y a à chaque fois de nouvelles armes qui sont utilisées et la mise en scène prend régulièrement de l'envergure avec son lot de plans bien sympas !

La Grande Muraille est donc loin d'être la catastrophe annoncée mais on est aussi loin d'avoir un grand film. Sans aucun doute un petit plaisir coupable, le film a au moins le mérite de mettre un petit coup de pied dans la fourmilière des grosses productions américaines en apportant un regard asiatique sur tout ça.
Et ma foi, je ne vais pas m'en plaindre.


Live by Night (2017) - Ben Affleck


4 ans après son triomphe aux Oscars avec Argo, Ben Affleck repasse derrière la caméra pour une nouvelle adaptation d'un roman de Dennis Lehane après Gone Baby Gone.
Le talentueux réalisateur s'attaque donc cette fois-ci au film de gangster situé durant la Prohibition et il incarne à nouveau lui-même le personnage principal : un "petit" gangster de Boston qui va se retrouver à la tête du plus gros trafic de rhum de Floride.

Il faut laisser à Ben Affleck une chose : il sait s'entourer. Il en résulte un film très réussi d'un point de vue formel avec la belle photographie de Robert Richardson et une reconstitution des années 20 vraiment réussie et une réalisation plutôt sobre, presque académique mais sans que ce soit criard.

Malheureusement, le reste ne suit pas toujours. Le scénario est très (trop ?) classique, le film a beau brasser pas mal de thématiques comme la religion, le racisme, la drogue, celles-ci ne sont jamais assez développées pour obtenir une véritable réflexion dessus. L'intrigue met aussi passablement de temps à véritablement démarrer et Ben Affleck manque sa fin en ajoutant 5 minutes totalement dispensables étant donné leur inutilité dans le développement de la psychologie des personnages.


Affleck acteur est lui-même un problème car il n'a absolument pas les épaules pour le rôle. Le voir serrer constamment la mâchoire dans des costumes qui semblent toujours trop grands pour lui ça prête clairement à sourire, on peut vraiment regretter qu'il n'ait pas eu l'humilité de confier le rôle principal à quelqu'un de plus crédible car il est difficile de toujours croire à ce qu'il se passe à l'écran quand le protagoniste, celui à qui le spectateur est censé s'identifier, affiche la plupart du temps un air assez béat et naïf.


Loin de livrer un mauvais film, Ben Affleck nous en livre un vraiment oubliable qui ne révolutionne en tout cas pas le genre et qui est desservi par ce même Ben Affleck de l'autre côté de la caméra.
Reste que le film est formellement agréable pour la rétine et que certains gunfights sont vraiment réussis, le minimum est donc clairement atteint mais peut-on vraiment s'en contenter ?


La Colline des Potences (1959) - Delmer Daves


La Colline des Potences, sorti en 1959, marque à la fois le dernier western de son réalisateur Delmer Daves mais également de son acteur principal, le monstre sacré Gary Cooper.

En premier je voulais juste passer un coup de gueule à la version DVD que j'ai visionnée qui a été recadrée en 4/3, ne rendant absolument pas hommage au film, initialement tourné en 1.85.
Une fois la pilule avalée, on ne peut qu'admirer le spectacle ! Le film présente tous les éléments d'un grand western : des personnages forts, un cadre sublime et des musiques qui le sont tout autant, on est très vite embarqué !

Une nouvelle fois, le charisme rutilant de Gary Cooper inonde l'écran, son personnage est d'ailleurs très réussi car ambigu, énigmatique, on ne comprend pas toujours ses actes et on ressent une part d'ombre chez lui.
D'ailleurs tous les personnages sont intéressants de par leur ambiguïté : Rune est un voleur au début de l'histoire, Frenchy entretien une relation très étrange avec la jeune femme qui est elle même à l'opposé de la femme telle que normalement représentée dans les westerns américains.
Le film raconte également de grandes choses sur l'Amérique, sur la Conquête de l'Ouest et le destin des chercheurs d'or qui repose en grande partie sur la chance (qui est évoquée plusieurs fois dans le film).

Et puis il y a la réalisation de Delmer Daves, d'une maîtrise formidable, sans jamais trop en faire. Les cadres sont précis, les décors magnifiquement utilisés (le film est tourné en grande majorité en extérieur).
Un western sublime mais malheureusement trop peu connu et qui fait office de chant du cygne remarquable pour cet acteur légendaire qu'est Gary Cooper.


Les Parapluies de Cherbourg (1964) - Jacques Demy


Avec le triomphe de La La Land, le genre du musical refait beaucoup parler de lui. C'était donc l'occasion de se tourner un peu vers Jacques Demy (une des influences principales de Damien Chazelle) en revoyant un de ses films les plus connus : Les Parapluies de Cherbourg.

Le film se déroule donc à Cherbourg, sur une période s'étalant du début des années 50 au milieu des années 60 et raconte l'histoire d'un couple obligé de se séparer car Guy (Nino Castelnuovo) est appelé pour aller servir en Algérie. Leur amour va donc être mis à rude épreuve.

Si je livre ce petit synopsis, c'est parce que le film aborde un sujet plutôt tabou pour l'époque : la Guerre d'Algérie et les répercussion qu'elle peut avoir non seulement pour ceux qui s'y trouvent mais également pour tous les autres qui se retrouvent séparés de leurs proches.
Jacques Demy assume ici un parti-pris drastique et totalement irréaliste d'un film entièrement chanté : si cela peut paraître très étrange au début, après quelques minutes tout cela semble presque naturel (même si la synchro labiale n'est pas toujours parfaite).

Mais ce qui touche vraiment dans les Parapluies de Cherbourg, c'est son histoire, ces deux jeunes gens qui s'aiment profondément et qui se retrouvent séparés malgré eux et dont le couple n'y survivra pas. C'est très universel car nous sommes tous un jour confrontés à ça : un ami, un amant, quelqu'un que nous aimons qui sort de notre vie.
Catherine Deneuve est merveilleuse, on sent toute la tristesse en elle quand elle est obligée de laisser partir Guy, son jeu de regard n'est d'ailleurs pas sans rappeler une certaine Emma Stone, tant celui-ci transmet d'émotions.

Le film n'en fait pas trop niveau réalisation, il n'y a pas de chorégraphies très élaborées, peu de montage, le film est vraiment centré sur les relations humaines avant tout. J'ai profité de ce visionnage pour regarder la version restaurée et le film est très beau et coloré (beaucoup de bleu et de rose sans que ce soit criard).

Les Parapluies de Cherbourg est une très belle fable sur l'amour et la séparation ainsi que sur l'oubli, en témoigne cette dernière séquence qu'on pourrait penser de trop a priori mais qui montre avec une grande tristesse que Guy et Geneviève sont passés à autre chose, qu'ils ont recommencé leur vie mais, qu'au fond, ils ne se sont jamais vraiment oubliés...


Total Recall (1990) - Paul Verhoeven


Après Robocop et son entreprise toute puissante, Paul Verhoven continue son exploration de la société américaine, de l'état totalitaire plus précisément, en adaptant cette fois ci le grand Philip K. Dick.

Total Recall est certainement mon Verhoeven préféré, tout y est : le spectacle bien sûr mais également tout ce qui fait la force du cinéma du hollandais comme la critique par l'ironie, un personnage principal qui ne se sent pas à sa place dans le moule de la société et le rapport au corps et à la chair, encore une fois particulièrement charcutés.
Ce personnage, c'est Quaid, campé par un Schwarzenegger parfait en musclor à l'air naïf, reflet total du cinéma de son auteur.

Ici, Verhoeven ne s'embarrasse pas d'un suspens inutile, la fin du film est déjà racontée dans les 15 premières minutes car ce qui compte dans Total Recall n'est pas de savoir comment cela se finit mais plutôt comment est-ce qu'on y parvient.
L'intrigue se parcoure donc telles les méandres de l'esprit de Quaid qui va vivre un "ego trip" sous la forme d'un agent secret envoyé sur mars. Cependant, il apprendra par la suite qu'il travaille en fait depuis le début pour le gouvernement, que son nom est Hauser et qu'il a pris la couverture de Quaid (en subissant un lavage de cerveau).

L'évolution de Quaid est donc très intéressante, il devra d'abord de libérer du moule dans lequel il se trouve (plan très symbolique où il brise la barrière à rayons X qui le fait donc passer de simple squelette à individu à part entière) puis accomplir sa mission sur Mars. Cependant, et c'est là le génie de Verhoeven, le doute sur le fait que ce soit un rêve ou non est maintenu jusqu'à la fin du film et la mise en abîme du spectateur (qui ne sait pas lui même si ce qu'il regarde est vrai) est complète. La fin est d'ailleurs très ambiguë, à la manière du "Je suis Murphy" à la fin de Robocop, et ne constitue pas le happy end qu'elle semble être.

Total Recall est le sommet de ce que veut raconter Verhoeven avec son cinéma et peut-être également le sommet de sa carrière hollywoodienne, à voir et revoir sans modération !


La nuit nous appartient (2007) - James Gray


Plus je découvre la filmographie de James Gray, plus je me demande comment j'ai pu faire pour passer à côté de son cinéma durant tout ce temps !
Troisième Gray, deuxième baffe ni plus ni moins !

Après un Little Odessa qui mettait déjà en place les thématiques et le sens du visuel propre au réalisateur, celui-ci enchaînait en 2000 avec le formidable The Yards dont le gros raté au box-office fit perdre la confiance des studios envers James Gray (qui n'a jamais fonctionné dans son propre pays d'ailleurs).
Il lui faut 7 ans pour sortir son prochain film : La Nuit nous Appartient (We Own The Night) qui assoit pour de bon James Gray en tant que très grand auteur.

Le film ressemble en bien des points à The Yards (et même Little Odessa) : cette attirance pour les ambiances nocturnes, ces personnages dont la famille est à la fois destructrice et reconstructrice et de sublimes personnages.
Le film s'ouvre d'ailleurs sur une scène formidable et très sensuelle entre Joaquin Phoenix et Eva Mendes sur un son de Blondie, le ton est tout de suite posé !

Comme déjà dit, la famille est une composante essentielle du cinéma de James Gray et la particularité de celle-ci c'est qu'elle est dysfonctionnelle et l'écriture très dramaturgique.
Tout ceci est bien sûr tenu ensemble par la performance extraordinaire de tous les acteurs, que ce soient les désormais habitués Mark Wahlberg ou Phoenix mais également les seconds couteaux comme Robert Duvall qui est d'ailleurs le second acteur issu de la trilogie du Parrain après James Caan (dans The Yards) à rejoindre la distribution d'un film de Gray.

La Nuit nous Appartient est le polar noir par excellence, extrêmement juste dans ce qu'il raconte, parfaitement rythmé et mis en scène avec une élégance rare. James Gray atteint déjà sa maturité après 3 films et on ne peut qu'être enthousiastes pour son futur Lost City of Z. A voir absolument !


La Porte du paradis (1980) - Michael Cimino


La Porte du Paradis est un film légendaire. Pourquoi ça ? Le western épique à 40 millions de budget de Michael Cimino avait fait un tel flop au box-office lors de sa sortie qu'il avait plongé United Artists dans la faillite tout en précipitant la fin du Nouvel Hollywood. La Porte du Paradis marque la fin de la liberté des auteurs et la reprise petit à petit du contrôle par les studios.
Michael Cimino lui-même ne se remettra jamais de cet échec.

Pourtant, le film a fait l'objet d'une restauration en 2012 dans une version remontée "director's cut" de 216 minutes et a depuis été totalement réhabilité et considéré comme un chef-d'oeuvre du 7ème art.

Il faut dire que La Porte du Paradis c'est du cinéma total : beau à en tomber avec certainement une des plus belles photographies du cinéma américain, sans lourdeur, sans exagération. Les compositions de plan de Cimino sont toutes plus folles les unes que les autres et il a un talent assez incroyable pour filmer les foules car il y en a beaucoup, que ce soit pour de simples danses ou pour des combats sanglants (comme en témoigne la dernière grande séquence de bataille du film, on n'est pas loin d'un Sam Peckinpah).

Surtout, c'est plus qu'un simple western. L'influence de Peckinpah se fait à nouveau ressentir dans la manière qu'a Cimino de détourner les grands mythes américains. Car non, La Porte du Paradis n'est pas tendre avec les Etats-Unis, elle en dresse un portrait violent et ceci n'est peut-être pas étranger à l'échec du film quand on sait à quel point les américains n'aiment pas qu'on égratigne leur beau pays.

Le personnage du, désormais, regretté John Hurt est assez parlant à ce niveau. Au début du film on nous le présente comme un grand déconneur, porte-parole de sa promotion à Harvard et enjoué.
Des années plus tard on le retrouve alcoolique, désabusé face à la cruauté de l'espère humaine. C'est beau et terrible !

Les personnage sont d'ailleurs tous très beaux : il y a bien sûr Kris Kristofferson et son immense charisme ainsi que la splendide Isabelle Huppert mais tout le reste du casting est parfaitement utilisé : que ce soit Jeff Bridges, Christopher Walken ou même Mickey Rourke !
Aucun ne fait du remplissage alors qu'on sait à quel point c'est difficile de diriger un aussi grand casting.

Malgré le fait que j'ai quand même ressenti quelques longueurs (surtout vers la moitié), le film se laisse regarder très facilement, rien n'est de trop dans ces 216 minutes.
Un film légendaire que tout le monde se doit de voir au moins une fois pour ce qu'il raconte, comment il le raconte mais également pour ce qui a forgé sa légende.


Split (2017) - M. Night Shyamalan


M. Night Shyamalan est un cas assez étrange à Hollywood. Après deux premiers longs-métrages (Sixième Sens et Incassable) qui avaient connu un grand succès critique, le cinéaste d'origine indienne est ensuite tombé de plus en plus dans la médiocrité jusqu'à toucher le fond avec des films comme Le dernier Maître de l'Air ou After Earth. Ayant désormais totalement perdu le mojo, on parle depuis quelques temps d'une rédemption pour Shyamalan, c'était déjà le cas avec The Visit (que je n'ai pas vu) et désormais donc avec Split qui parle d'un personnage atteint de trouble de la personnalité et qui promettait de se rapprocher de ce que faisait le réalisateur à ses débuts.
Si on peut accorder à M. Night Shyamalan une certaine audace, la rédemption attendra encore car Split est raté dans les grandes largeurs et n'est au final qu'une fausse bonne idée de plus dans le paysage hollywoodien actuel.

Le film se passe en quasi huis-clos, Kevin (James McAvoy) kidnappe 3 jeunes filles qu'il va retenir prisonnières chez lui et celles-ci vont être confrontées aux multiples personnalités (24 en tout mais on en voit surtout 4) du personnage.
Le huis-clos est un genre qui peut s'avérer très anxiogène s'il est bien maîtrisé et bien écrit. Or, d'entrée, le film pêche à ce niveau car les 3 filles sont censées être enfermée mais durant les 20 premières minutes du film elles auraient eu largement les moyens de s'évader au moins 3 ou 4 fois mais ne le font pas (pour prolonger l'histoire bien évidemment, sinon le film serait bien vite achevé). C'est typiquement le genre de truc qui m'exaspère quand des personnages ne font pas quelque chose qui semble évident pour tout le monde, surtout qu'il n'y a pas de raison particulière à ce qu'elles agissent comme ça (il y a une tentative d'explication qui peine franchement à convaincre).

L'histoire tourne bien évidemment autour de James McAvoy qui doit parfois jouer plusieurs personnages au cours d'une même scène en changeant donc à la fois d'apparence mais également de manière de jouer. Sauf que ça ne prend pas car son jeu n'est pas assez bon pour y croire, moi je vois juste McAvoy qui joue le psychopathe (à la limite même du cabotinage parfois), il N'EST PAS un psychopathe et c'est extrêmement gênant car c'est censé être le centre même du film.
Shyamalan essaye quand même de le filmer afin de mettre en avant sa folie : il est notamment souvent filmé en gros plan avec une focale courte (procédé dont raffole un certain Terry Gilliam pour mettre en avant la folie chez ses personnages) qui donne un aspect assez déformé à son visage. Je dis pourquoi pas mais alors pourquoi le faire également pour les autres personnages ? Cette idée de mise en scène perd du coup tout son intérêt car on a des plans du type sur plusieurs personnages durant tout le film sans que ce soit justifié.
Ce n'est d'ailleurs pas la seule bizarrerie, certaines idées de mise en scène sont carrément douteuses comme notamment le passage à une vue subjective par moments ou l'utilisation de flashbacks qui n'ont pas vraiment de sens si ce n'est pour expliquer certains retournement qui auront lieu plus tard (paies ta subtilité, on est dans la définition littérale du fusil de Tchekhov !).
On a vraiment l'impression que Shyamalan voulait faire quelque chose de son film, lui apporter une certaine ampleur mais qu'il n'a pas su comment (ou n'a plus le talent pour) y arriver.

En plus, le film est interminable et c'est d'un ennui rare. Les personnages secondaires (mis à part Casey) ne sont pas assez développés pour qu'on se soucie de leur sort et du coup on voit toute cette histoire se passer sous nos yeux avec James McAvoy qui essaie de faire son numéro mais il n'y a rien qui se dégage de tout ça, c'est le néant. Pour tout dire j'ai largement préféré le personnage de Casey à celui de Kevin pour tout vous dire...
La dernière personnalité de Kevin n'a en plus aucun sens, rien n'explique qu'il réagisse de cette manière, c'est juste du gros n'importe quoi !
Seule la fin réussit à relever un peu le niveau car la musique est très belle et ça a le mérite de ne pas trop expliquer. Il y a en plus une grosse surprise (ce n'est pas un twist mais une apparition) qui m'a fait sourire car je ne m'y attendais pas du tout.

Un film inintéressant au possible qui ne constituera en tout cas pas une renaissance pour M.Night Shyamalan (en tout cas pas dans mon coeur). Le film semble cependant fonctionner au box-office américain et les critiques spécialisées sont encourageantes, peut-être que ça redonnera un second souffle au cinéaste mais pour moi c'est directement poubelle !


Manchester by the Sea (2016) - Kenneth Lonergan


Manchester by the Sea fait parler de lui depuis un petit moment déjà. Il était temps pour moi de découvrir le film de Kenneth Lonergan, un mélodrame se situant dans le nord est des Etats-Unis où Lee Chandler (Casey Affleck) est confronté au décès de son frère et doit retourner à Manchester-by-the-Sea, où il a vécu auparavant, pour s'occuper de son neveu.

Le genre du mélo est assez casse-gueule, il est facile de vite tomber dans le pathos mais difficile de raconter quelque chose de vraiment touchant sans utiliser d'artifices lourdingues. Pourtant, Kenneth Lonergan y arrive à la perfection et la principale raison à ça est qu'il garde toujours une certaine distance avec ses personnages. Ici, pas de gros plans sur des personnages qui pleurent (d'ailleurs il ne doit pas y avoir un seul gros plan dans le film de mémoire), tout est toujours présenté en plans assez larges et qui durent souvent longtemps.
Casey Affleck est fantastique, son personnage est confronté à la mort de son frère mais on apprendra en cours de film, via un des nombreux flashbacks habilement intégrés au récit, qu'il avait déjà vécu un drame dans sa vie. Ce moment est déchirant car on nous laisse déjà entendre via certains personnages (qui parlent de lui comme LE Lee Chandler, comme s'il était célèbre pour une quelconque raison) qu'il a dû vivre un événement traumatisant mais le revivre avec lui est assez bouleversant.

On ne peut donc qu'être assez admiratif devant le courage de cet homme qui fait ce qu'il peut pour garder la tête froide. Je me suis très rapidement attaché à lui (ayant moi-même vécu un deuil) et la performance de Casey Affleck y est pour beaucoup, il intériorise beaucoup jusqu'à arriver à un point de rupture qui le rend d'autant plus touchant.
Les seconds rôles ne sont pas en reste non plus, la très belle Michelle Williams illumine l'écran et le jeune Lucas Hedges (qu'on avait déjà vu chez Wes Anderson) affiche une très belle complicité avec Affleck.

La photographie est à l'image du film, belle mais sans fioritures, elle sublime à merveille les paysages enneigés du Massachusetts. J'aurai un peu plus de réserves sur la musique, à base de chœurs principalement, trop présente à certains moments où le silence aurait été préférable.
Un film dont on ressort assez déprimé mais qui rappelle que la vie ce n'est pas toujours la joie.


Basic Instinct (1992) - Paul Verhoeven


Un miroir, un couple qui fait l'amour, un meurtre extrêmement sanglant. La première séquence de Basic Instinct à elle seule donne déjà le ton de tout ce que sera le film mais également de toute la carrière de Paul Verhoeven : un jeu sur les faux semblants, la violence et la sexualité.

Le hollandais violent et jusqu'à présent connu aux Etats-Unis pour Robocop et Total Recall, deux films à gros budget. Avec Basic Instinct, il revient à un cinéma plus intimiste, aux racines qui s'étendaient sur toute sa période hollandaise où le sexe et les femmes fortes constituaient une composante fondamentale de son cinéma.

Basic Instinct est plus qu'un simple thriller érotique destiné à exciter l'homme moyen (choses que l'on a pu lire à gauche à droite), c'est surtout un film que seul Verhoeven aurait été capable de faire, plein de sous-entendus et de messages sur la société américaine.
Le personnage de Catherine Tramell (bouillante Sharon Stone) rappelle fortement celui incarné par Renée Soutendijk dans Le Quatrième Homme : intelligente, manipulatrice, terriblement séduisante qui va attirer à elle l'inspecteur Nick Curran (Michael Douglas) qui enquête sur l'homicide présenté dans la première scène du film.
Le personnage de Nick a ça d'intéressant qu'il est dans un premier temps éloigné du personnage verhoevenien traditionnel dans le sens où il ne tente pas de s'extraire du moule de la société, il essaye au contraire de s'y intégrer en voulant être l'américain modèle qui a arrêté l'alcool, la cigarette et la drogue. C'est Catherine qui va être le déclencheur et faire retomber Nick dans tous ses travers.

Paul Verhoeven joue habilement sur le jeu de séduction entre Nick et Catherine et l'ambiguïté de leur relation, chacun pensant avoir l'avantage sur l'autre pour au final ne faire qu'un sous les draps. Nick et Catherine représentent d'ailleurs une figure majeur dans le cinéma du hollandais violent, celle du double. Tel Murphy/Robocop, tel Douglas/Hauser, on peut voir Nick/Catherine comme le miroir l'un de l'autre, celui-ci allant même jusqu'à piquer les répliques de Catherine lorsqu'il est interrogé dans la même salle que celle-ci (la fameuse scène du décroisé de jambes).

Toute l'intrigue autour de l'enquête a ça d'intéressant qu'elle ne donne pas, à la manière des faux happy-end de Robocop et Total Recall, de réponse définitive. Si le premier plan nous présentait la mort, celui final nous laisse dans l'expectative, si bien que les certitudes que semble avancer le film au début, s'écroulent petit à petit l'une après l'autre.

Film résolument hitchcockien dans l'âme (notamment de par son voyeurisme) et rythmé par les partitions lancinantes de Jerry Goldsmith, Basic Instinct a marqué les esprit lors de sa sortie. On pourra lui reprocher quelques longueurs dans sa deuxième moitié mais il n'en demeure pas moins un film majeur dans la carrière de son auteur.


Les salauds dorment en paix (1960) - Akira Kurosawa


Premier film de Akira Kurosawa produit par ses soins (toujours coproduit par la Toho), Les Salauds dorment en paix (très beau titre français au passage), adaptation très libre du Hamlet de Shakespeare, continue l'exploration de la société japonaise moderne. Après avoir parlé de la peur de la mort et d'une nouvelle catastrophe nucléaire (à peine 10 ans après le double bombardement de 1945), le maître japonais s'attaque cette fois-ci à la corruption au sein d'une grande entreprise avec toujours la justesse et le génie de mise en scène qui le caractérise depuis ses débuts.

Le film débute par une formidable séquence d'ouverture de 20 minutes nous montrant le mariage de la fille du vice-directeur de l'entreprise avec Nishi (un Toshiro Mifune qui irradie à nouveau l'écran de son charisme), secrétaire de celui-ci.
La scène brille par la clarté avec laquelle elle met déjà en place tous les enjeux et toute la mythologie du film et démontre une nouvelle fois le talent qu'a Kurosawa pour mettre en scène les foules : c'est fluide, dynamique, cadré au millimètre, tout y est !

Le Japon que décrit Kurosawa dans Les Salauds dorment en paix est nihiliste au possible et la noirceur de l'être humain est ici poussée à son paroxysme, chacun étant prêt à tout pour arriver à ses fins (comme pousser ses employés au suicide).
Le film ne tombe pourtant pas dans le manichéisme bas de gamme, chaque personnage défendant de près ou de loin ses propres intérêts avec une ambiguïté parfaitement dosée.
Le personnage incarné par Mifune est un bel exemple : il se marie avec la fille du vice-directeur uniquement pour atteindre plus facilement ce dernier qu'il considère comme responsable du suicide de son père et qu'il veut venger. Cependant, il se rendra compte au fur et à mesure qu'il aime réellement la fille et ce sentiment le déchire intérieurement...

Avec Les Salauds dorment en paix, Akira Kurosawa nous livre une nouvelle fois un film magistral, jouant sur la noirceur et l'amoralité, à l'image de sa fin, pessimiste au possible et nous faisant comprendre que rien n'est vraiment réglé.
Le film a beau être assez peu connu (surtout si on compare à ses chanbara les plus célèbres), il n'en demeure pas moins un film majeur dans la carrière du cinéaste et est à voir absolument !


Loving (2017) - Jeff Nichols


Jeff Nichols carbure fort ces derniers temps !
Après avoir exploré le drame sous toutes ses formes avec Shotgun Stories, Take Shelter et Mud, puis la science-fiction l'an passé avec le très beau Midnight Special, le réalisateur arkansasais change à nouveau de registre pour s'attaquer au biopic en adaptant à l'écran l'affaire Loving v. Virginia qui avait fait grand bruit dans l'Amérique ségrégationniste des années 50.
L'arrêt rendu par la Cour suprême américaine avait alors déclaré comme anticonstitutionnelle la loi en vigueur dans l'Etat de Virginie (notamment) qui interdisait le mariage interracial.

Jeff Nichols étale son histoire sur à peu près une décennie, entre le moment où Mildred (Ruth Negga) et Richard Loving (Joel Edgerton) se marient, jusqu'au moment où le verdict est rendu en 1967.
On connaît le penchant du cinéaste pour la cellule familial, son cinéma ayant toujours été basé sur celle-ci et les drames qui peuvent venir la bousculer (il est d'ailleurs souvent rapproché de Spielberg à ce niveau-là).
Loving ne fait pas exception, Nichols fait un choix plutôt radical de se concentrer presque intégralement à ce couple, à l'amour très fort qui les unis (rejoignant donc le titre) et que rien ne semble pouvoir atteindre.
Nichols met ici le classicisme de sa mise en scène au service de cette histoire sans jamais juger, prenant même passablement de recul par rapport aux événements et en n'accentuant jamais les quelques rares violences que subit le couple Loving.

Le choix volontaire de Jeff Nichols d'éclipser en très grande partie le jugement devant la Cour suprême peut surprendre voir frustrer, ça a d'ailleurs été mon cas, moi qui adore les films de procès (que je trouve très cinématographiques) en sortant de la salle. Cependant, avec le recul, je me suis dit que c'était finalement une continuité dans le cinéma du réalisateur et que traiter tout l'aspect juridique différemment n'aurait finalement pas rendu hommage aux valeurs que défend Nichols.

On pourra reprocher aux films quelques lourdeurs telles que la symbolique de la construction du mur, beaucoup trop appuyé, quelques séquences sans réel intérêt et certains personnages sous-écrits. Il n'en demeure pas moins que Jeff Nichols nous livre à nouveau un très bon film, parvenant à faire ressortir la beauté de ses personnages (impeccablement interprétés d'ailleurs) et sachant instaurer de la tension à certains moment (en jouant notamment sur la paranoïa des protagonistes qui ont peur de se faire dénoncer).

Loving est certes moins marquant qu'un Take Shelter, moins beau qu'un Mud ou moins ambitieux qu'un Midnight Special mais il reste un film de Jeff Nichols, pas son meilleur mais intéressant par ce qu'il raconte et la manière dont c'est fait. S'il y a une chose qu'il faut laisser à Nichols, c'est qu'il n'a encore jamais trahi son cinéma .
J'attends maintenant au tournant le prochain film du cinéaste qui a déjà annoncé vouloir retourner à la science-fiction !


T2 Trainspotting (2017) - Danny Boyle


Autant le dire tout de suite, je n'ai pas d'attachement particulier envers Trainspotting premier du nom, que j'avais d'ailleurs regardé la veille et aimé sans l'adorer.
Cette suite m'intéressait tout de même, ne serait-ce que par curiosité de retrouver tous ces personnages (car le casting est inchangé, ce qui est assez fort de nos jours) 20 ans plus tard, de voir ce qu'ils ont fait de leur vie et si leur rancœur est encore vive...

Et c'est exactement ce que nous propose le film avec un Mark Renton (Ewan McGregor) qui, après 20 ans passé à Amsterdam par culpabilité (même si ce n'est jamais vraiment expliqué dans le film), revient à Édimbourg afin de reprendre contact avec les amis qu'il a trahi et qui ne sont pas tous enchantés de son retour.

La jeunesse, la folie et la camaraderie de Trainspotting laissent donc place aux déceptions la vie adulte, aux regrets et à la haine. C'est ce qui est vraiment intéressant dans le film : voir ces jeunes que l'on a vu planer au 7ème ciel à coup d'injections d'héroïne se retrouver avec des rides et le poids des années en plus, poids qui est très difficile à porter.

Cependant, T2 reste une suite et fait très régulièrement le lien avec le premier, que ce soit via des flashbacks ou via des éléments de mise en scène et des cadres directement repris du premier film. On pourra ici reprocher le peu de subtilité dont fait parfois preuve Danny Boyle (qui lui aussi a 20 ans de plus rappelons-le) avec ses effets qui passaient convenablement quand il s'agissait de retranscrire les trips de jeunes héroïnomanes mais qui font très tape-à-l’œil - en plus d'être assez moches et vains - quand ils sont appliqués aux mêmes personnages qui essaient justement de passer à autre chose.

Danny Boyle brille pourtant lors de certaines séquences comme celle où Mark et Simon doivent improviser une chanson sur la Bataille de la Boyne dans un club protestant où on retrouve justement la folie et l'audace du premier film sans faire dans le simple clin d’œil.
Ce sont précisément ces moments là que j'ai le plus apprécié, ceux qui apportent véritablement quelque chose sans s'appuyer trop fortement sur le premier film.

Les fans seront certainement enchantés de retrouver ces personnages qui ont marqué toute une génération, ainsi que leur fort accent écossais. Il faut dire que le casting est vraiment convaincant, que ce soit McGregor, Jonny Lee Miller, Ewen Bremner ou Robert Carlyle. Même Anjela Nedyalkova, la nouvelle venue, réussi à tirer son épingle du jeu alors qu'on aurait pu craindre un simple rôle de figuration (ce qui est le cas du personnage de Diane par exemple).

T2 Trainspotting m'a donc convaincu à défaut de m'avoir charmé, je lui reprocherai principalement une mise en scène pas toujours inspirée dans les effets qu'elle utilise (ces arrêts sur image je ne comprendrai jamais le délire) et qui ne colle pas à son sujet ainsi que des références parfois trop appuyées au premier film.
Cependant, le capital sympathie de ses personnages est toujours intact et permet de ne jamais s'ennuyer durant ces 2h et d'en ressortir avec une envie de parler comme Sean Connery...et ça c'est cool !


John Wick 2 (2017) - Chad Stahelski


Disons le tout de suite, le premier John Wick avait été une excellente surprise lors de sa sortie en 2014. Alors que l'on pouvait craindre un énième film d'action testostéroné mais décérébré à la Taken, le film faisait le pari de l'hommage aux séries B des années 80 en misant sur le charisme et l'icônisation (en 15 minutes chrono !) de son acteur principal : un Keanu Reeves au sommet de sa forme.
Il en résultait un film absolument jouasse, qui ne tergiversait pas et allait directement à l'essentiel, de la bastonnade savamment mise en scène et un rythme parfaitement géré.

Trois ans plus tard, John Wick est de retour avec toujours Reeves dans le rôle titre, Chad Stahelski à la réalisation (seul cette fois-ci, David Leitch étant allé réaliser ses propres projets) mais un budget doublé.
Et si cette suite reprend en grande partie le fun procuré par le premier chapitre, il souffre aussi de certaines tares inhérentes à la suite plus (trop ?) ambitieuse.

Car là où le premier jouait beaucoup sur sa spontanéité et sur des enjeux clairs et simples, sa suite tente de développer une intrigue plus poussée autour de la fameuse "confrérie" d'assassins qu'on voyait déjà dans le premier. C'est précisément là que l'on trouve le principal défaut que l'on peut reprocher au film, son rythme s'en retrouve bancal car Stahelski n'est pas aussi douer pour filmer les dialogues qu'il ne l'est pour mettre en scène l'action, il est résulte certains passages explicatifs (Wick lui-même parle beaucoup alors qu'il était très peu bavard dans le premier) pas forcément intéressants.

Le film a d'ailleurs joué à me faire peur avec une première séquence plutôt ratée car totalement dispensable dans laquelle John Wick retourne récupérer sa voiture chez le frère de Viggo (l'antagoniste principal du premier film). Cependant, une fois passé cette introduction laborieuse, le film retombe dans ce qu'il fait de mieux : de l'action rythmée, impactante et parfaitement lisible. Il est toujours autant appréciable de voir Stahelski (qui est un ancien cascadeur rappelons-le) nous proposer ce type de baston à l'heure où les cuts toutes les secondes semblent être devenus le mètre-étalon du genre.
Et c'est vraiment dans ces moments là que le film est fun, quand il fait ce qu'il sait faire, parce que franchement, voir un Keanu Reeves aussi classe trucider 20 mecs à la minutes, c'est quand même foutrement jouissif !

Il en résulte donc un épisode un peu inférieur au premier, la faute à un rythme pas toujours maîtrisé et plombé par une intrigue qui se veut trop poussée et qui dessert le film. Néanmoins, le film de Chad Stahelski est à nouveau un très bon moment d'action, le sang gicle toujours autant et le capital charisme de Keanu Reeves est intact.
La fin laissant imaginer un troisième chapitre, il faut cependant se demander désormais si John Wick aura encore du neuf à proposer afin d'éviter une certaine lassitude. En attendant, il serait dommage de se priver de ce John Wick 2 qui rempli parfaitement son rôle de divertissement en plus de présenter des choses plutôt belles à l'écran.