mercredi 7 décembre 2016

Sully (2016)

Titre : Sully

Date de sortie française : 30 novembre 2016

Réalisateur : Clint Eastwood

Scénario : Todd Komarnicki d'après le roman "Highest Duty" écrit par Chesley Sullenberger et Jeffrey Zaslow

Directeur de la photographie : Tom Stern

Montage : Blu Murray

Musique : Christian Jacob et Tierney Sutton Band

Durée : 1h36

Avec : Tom Hanks, Aaron Eckhart, Valerie Mahaffey, Mike O'Malley, Jamey Sheridan, Anna Gunn, Laura Linney

Synopsis Le 15 janvier 2009, le monde a assisté au "miracle sur l'Hudson" accompli par le commandant "Sully" Sullenberger: en effet, celui-ci a réussi à poser son appareil sur les eaux glacées du fleuve Hudson, sauvant ainsi la vie des 155 passagers à bord. Cependant, alors que Sully était salué par l'opinion publique et les médias pour son exploit inédit dans l'histoire de l'aviation, une enquête a été ouverte, menaçant de détruire sa réputation et sa carrière. (Source : Premiere.fr)


Mon avis


La longévité de Clint Eastwood impose le respect. A 86 ans, le réalisateur californien tourne à un rythme d'un film par année, se rendant certainement compte que chacun de ceux-ci pourrait être son dernier (bien qu'on lui souhaite de continuer le plus longtemps possible bien entendu). Un an après le carton de American Sniper, son plus gros succès au box-office, Eastwood continue son exploration de la figure du héros américain qui l'a toujours passionné.

Sully revient sur un événement survenu le 15 janvier 2016 quand, après avoir perdu ses deux réacteurs, le commandant Chesley Sullenberger (incarné ici par un impeccable Tom Hanks) décide de faire atterrir son Airbus A320 sur l'Hudson, permettant ainsi de sauver la vie des 155 passagers à bord de l'avion.

Le film est bon, très bon même en tant que tel mais il le devient encore plus si on le compare avec la réalisation précédente de Eastwood où il racontait l'histoire d'un autre type de héros américain, Chris Kyle, complètement à l'opposé du capitaine Sully par beaucoup d'aspects.
L'un a sauvé 150 vies, l'autre en a ôté tout autant, le premier est proche de la retraite après plus de 40 années de services, le second est dans son "prime", bien qu'il sait que sa carrière sera plus éphémère.
L'un comme l'autre sont des citoyens américains mais tandis que l'un tue à l'étranger les menaces contre sa patrie, Sully sauve la vie de nombreux de ses propres compatriotes.


Il est intéressant de voir la manière dont Eastwood traite ces différents types de héros et la société (américaine en l'occurrence) qui les entoure. Car cette dernière joue un rôle important, Sully a beau avoir sauvé de nombreuses vies, une enquête est ouverte contre lui car des simulations par ordinateur ont démontré qu'il aurait eu le temps de faire demi-tour pour se poser à un des aéroports proches. Il se retrouve donc face à des bureaucrates qui ne réfléchissent qu'en chiffres et simulations, en oubliant totalement le côté humain (ce que Sully leur rappellera sur la fin après avoir visionné les simulations effectuées par des pilotes).

Le personnage de Sully en lui-même a un excellent capital sympathie, c'est un homme humble et très calme qui répond aux remerciements des personnes qu'il a sauvé par un simple "je n'ai fait que mon travail". Parce que c'est aussi ça le héros américain chez Clint Eastwood, c'est quelqu'un qui excelle dans son travail (autant Chris Kyle que Chesley Sullenberger), quel qu'il soit et autant amoral qu'il puisse paraître.

Le calme de Sully est particulièrement extraordinaire lors de la séquence de l'amerrissage justement. Là où de nombreuses personnes auraient perdu leurs moyens, le commandant prend les décisions qui vont leur sauver la vie en l'espace des quelques 200 secondes seulement. Toute la fameuse séquence (qui est d'ailleurs étalée pendant tout le film par bribes) est un grand moment de mise en scène, alors même que Eastwood fait dans l'anti-spectaculaire en privilégiant les plans éloignés et en les faisant durer.


Comme mentionné plus haut, le film ne tombe pas dans la facilité de nous présenter d'entrée la séquence de l'accident (comme le faisait Zemeckis avec Flight par exemple, que j'ai d'ailleurs apprécié), celle-ci sera présentée plusieurs fois en y ajoutant toujours un élément en plus tout au long des 1h30. D'ailleurs, le seul défaut qui pourrait vraiment être reproché au film c'est de s'étirer en longueur sur la fin avec les multiples simulations qui se ressemblent toutes. Il faut dire que le matériau à disposition n'était pas si conséquent car c'est une affaire qui s'est au final vite réglée mais le film n'aurait pas été bien différent avec 5 minutes de moins.

Mis à part cet aspect dû en grande partie à la nature de l'histoire d'origine, la dernière partie du film avec l'audience est très réussie. Sully est certain que ses choix étaient les bons et va le prouver en gardant le calme qui l'habite en permanence. La confrontation est vraiment intéressante, particulièrement quand le commandant rappelle aux bureaucrates qui lui font face que le facteur humain n'a jamais été pris en compte lors des simulations (même avec des pilotes expérimentés). Car au final, un héros est avant tout un être humain qui n'est de loin pas infaillible mais qui est sûr de ses convictions.

Sully est un bon très bon cru de Clint Eastwood. Le cinéaste continue son exploration du héros américain tout en présentant une autre facette de celui-ci, plus médiatique et spectaculaire qu'un Chris Kyle mais également plus "éthique", héros du peuple avant d'être un héros de la nation.
Je ne peux que vous encourager à aller le voir car il est peu probable que Eastwood nous sorte encore des films pendant 10 ans.


dimanche 30 octobre 2016

Ma vie de Courgette (2016)

Titre : Ma vie de Courgette

Date de sortie française : 19 octobre 2016

Réalisateur : Claude Barras

Scénario : Céline Sciamma, Germano Zullo, Claude Barras, Morgan Navarro, d'après l'oeuvre de Gilles Paris (Autobiographie d'une Courgette)

Directeur de la photographie : David Toutevoix

Montage : Valentin Rotelli

Musique : Sophie Hunger

Durée : 1h06

Avec : Gaspard Schlatter, Sixtine Murat, Paulin Jaccoud, Michel Vuillermoz, Raul Ribera, Estelle Hennard

Synopsis Ma vie de Courgette raconte l'histoire de plusieurs orphelins qui, pour surmonter leurs peines, vont s'aider les uns les autres. (Source : Wikipédia).


Mon avis


Rares se font les productions helvétiques qui suscitent réellement l'intérêt de nos jours. Pourtant, Ma Vie de Courgette a réussi à faire parler de lui et à instaurer une réelle aura autour de lui dès sa présentation à la Quinzaine des Réalisateurs du dernier Festival de Cannes où il avait su charmer le jury (sans être toutefois primé). Plus récemment, le film a triomphé au Festival international du film d'animation à Annecy et j'étais vraiment curieux de voir le résultat du travail de Claude Barras qui a bossé pendant plus de 2 ans sur ce film avec son équipe. Le tournage s'étant déroulé sur huit mois à raison de 3 secondes par jour et par animateur afin d'arriver au résultat final d'une durée de 66 minutes (ce qui est peu conventionnel de nos jours). C'est dire le travail d'orfèvre derrière ce métrage qui relate l'histoire de Icare (qui préfère qu'on l'appelle Courgette) qui est envoyé dans un foyer suite à la mort accidentelle de sa mère. Il y fera la rencontre d'autres enfants abandonnés par leurs parents pour différentes raisons et va devoir s'intégrer et trouver sa place afin de recommencer une nouvelle vie.

L'animation en stop-motion est à la mode ces derniers temps, après Kubo et l'Armure Magique sorti il y a peu et qui m'avait impressionné par sa technique, Ma Vie de Courgette reprend le procédé pour donner vie à ses marionnettes. Le choix est intéressant d'un point de vue artistique car quoi de plus logique que d'utiliser une technique qui donne des images plus saccadées, moins parfaites, que l'animation traditionnelle pour représenter ces petits personnages eux-mêmes imparfaits, vacillants et parfois dépassés par leur condition ? La direction artistique, principalement le design des personnages, est faite pour qu'on s'attache à eux très rapidement, ils sont tous créées à partir d'un même concept mais ils ont tous leurs propres particularités, leur propre look qui fait qu'on les reconnait très facilement.
Hergé affirmait que plus le style graphique d'un visage était simplifié, plus le spectateur pouvait y projeter ses émotions et, donc, s'identifier à lui. C'est un principe que Claude Barras a suivi à la lettre lors de l'élaboration de ses personnages tant ceux-ci sont plus attachants les uns que les autres.


Le film réussi à parler d'un sujet très grave mais en nous le présentant du point de vue de jeunes garçons et filles, en ce sens il parlera à la fois aux plus jeunes qui rejoindront cette espèce de naïveté assez touchante et aux adultes qui appréhenderont le métrage de manière plus terre à terre.
Il n'en demeure pas moins que le réalisateur valaisan porte un regard plein de tendresse et de bienveillance sur ces personnages confectionnés de toutes pièces. N'allez pas pour autant croire que le film verse bêtement dans le larmoyant primaire, il n'en est rien. Le film est même plutôt drôle dans l'ensemble et il est touchant de voir les pérégrinations de ces gosses qui vont parfois se chamailler, parfois s'entraider mais toujours en restant ensemble, comme au sein d'une famille qu'ils n'ont jamais vraiment eu.
Puis il y a ce personnage du policier qui amène Courgette au foyer et qui est peut-être le plus touchant de tous car c'est réellement lui qui fait le pont entre le monde extérieur, adulte, qui a tant blessé les enfants et le foyer, véritable havre de paix où il rend des visites régulières à Courgette.

Je voulais aussi revenir sur la très bonne BO composée par la bernoise Sophie Hunger qui est à l'image du film : légère mais sobre, ça n'en fait jamais trop, ça ne cherche pas à tout prix à tirer des larmes au spectateur et ça se conclut surtout par une superbe reprise de Le Vent nous Portera de Noir Désir. Je dois avouer que même moi avec mon cœur de pierre je n'étais pas loin de verser ma petite larme devant tant de beauté.


Ma Vie de Courgette est un véritable coup de cœur en cette fin d'année et une fierté de voir une production aussi maîtrisée et touchante sortie de l'esprit de compatriotes. Ma Vie de Courgette est un film que je conseille à tous, allez-y seul ou en famille il y en a pour tout le monde. Finalement si je ne devais lui reprocher qu'une seule chose ce serait d'être trop court, les 1h06 sont passées à une vitesse folle et à la fin j'en voulais encore même si, paradoxalement, le film ne pouvait pas s'achever à un meilleur moment.
J'espère profondément que le film fonctionnera et qu'il permettra à la Suisse de décrocher une nomination aux Oscars (que ce soit en tant que meilleur film étranger ou meilleur film d'animation puisqu'il est candidat dans les deux catégories) afin de démontrer que le talent et la créativité existent encore et qu'il suffit juste de s'éloigner un peu des chemins balisés pour s'en rendre compte.


mardi 6 septembre 2016

Toni Erdmann (2016)

Titre : Toni Erdmann

Date de sortie française : 17 août 2016

Réalisatrice : Maren Ade (également scénariste)

Directeur de la photographie : Patrick Orth

Montage : Heike Parplies

Durée : 2h42

Avec : Peter Simonischek, Sandra Hüller, Michael Wittenborn, Thomas Loibl, Trystan Pütter, Hadewych Minis, Lucy Russell

Synopsis Winfried Conradi, un enseignant allemand d'une soixantaine d'années, fantasque et habitué à se grimer, va rendre une visite surprise à sa fille Ines, consultante de haut niveau en poste à Bucarest. Alors qu'elle essaye de négocier un contrat d'externalisation très important pour sa carrière, il s'immisce dans sa vie professionnelle et personnelle afin de la faire réfléchir sur elle-même, dans une série de situations inattendues qui la déstabilisent. Voyant le risque qu'il fait prendre à sa fille, il décide de rentrer en Allemagne. Ines se consacre à fond à sa mission, mais a la surprise, un soir dans un grand hôtel, de retrouver son père, grimé et se présentant sous le nom de Toni Erdmann. (Source : Wikipédia)


Mon avis


Grosse sensation du dernier Festival de Cannes où il avait reçu une ovation lors de sa présentation en compétition officielle, Toni Erdmann était vite devenu le favori des bookmakers pour remporter la Palme d'Or qui lui a finalement échappé au profit de Moi, Daniel Blake de Ken Loach. Ayant dû finalement se contenter du prix de la critique internationale, il n'en demeure pas moins que le 3ème film de la réalisatrice allemande Maren Ade avait éveillé ma curiosité : qu'avait donc ce film de si particulier pour provoquer une telle réaction chez le public cannois ?
Alors que le film est déjà en salles depuis deux semaines, j'ai enfin pris le temps (car le film dure quand même 2h45 !) de me plonger dedans la tête la première, étant vierge de toute connaissance préalable avec le film si ce n'étaient les critiques dithyrambiques qui lui ont été adressées.

Il s'avère que c'était très bien, vraiment bien, excellent je dirais même ! L'histoire se concentre sur les relations assez tendues entre un père qui se sent seul et sa fille qui croit réussir sa vie avec un poste haut-placé à Bucarest. Le film joue beaucoup sur les apparences ; il y a le père bien sûr qui arrive en Roumanie en tant Winfried et qui fait mine de repartir avant de réapparaître sous les traits de Toni Erdmann afin de confronter sa fille à sa réalité et lui permettre une remise en question. Le métrage en soit change régulièrement de visage, on passe de la comédie potache au burlesque puis à de très beaux instants de pure émotion, toujours avec ces mêmes acteurs formidables qui, dirigés d'une main de maître, apportent vraiment l'émotion au spectateur.


La mise en scène très soignée de Maren Ade souligne encore plus l'aspect burlesque de l'ensemble, principalement lors des gros moments de gêne provoqués par le père où la réalisatrice fait durer les plans afin que l'on ressente nous aussi le malaise de Ines. Elle n'en oublie pas pour autant le réel dans son histoire en filmant volontairement, et assez longuement plusieurs séquences de dialogues plus techniques qui permettent de mieux comprendre le monde dans lequel vit la fille de Winfried.
Et ça c'est génial car du coup j'y crois à ces personnages ! J'ai devant les yeux un vrai film de cinéma qui parle de vrais personnages dans un vrai monde, avec ses avantages et ses nombreux défauts.

Le film parvient également à nous faire passer en très peu de temps des rires à l'émotion, sans que ce soit forcé, sans que ce soit pathos (la performance de Sandra Hüller est encore à souligner de ce point de vue). Les personnages sont de plus suffisamment bien écrits pour que l'on s'attache à eux, Winfried/Toni et Ines ont beau avoir des personnalités très différentes, je me suis pris d'affection pour l'un comme pour l'autre, toujours très naturellement.
Le film est d'ailleurs très bien rythmé, si bien que les 2h40 ne se sentent absolument pas passer. J'avais d'ailleurs la chance d'être dans une salle avec des personnes (âgées pour la plupart) très réceptives à l'humour, même lors de certaines séquences qui vont très loin dans leur délire. Je pense bien évidemment à la fête d'anniversaire de Ines (dont je ne dévoilerai rien car c'est quelque chose à voir par soi-même absolument), totalement géniale et imprévisible, mais également à d'autres passages comme la première apparition de Toni Erdmann au restaurant (séquence qui brille également par sa mise en scène et sa manière de préparer la venue du personnage).


Toni Erdmann ne déçoit pas, bien au contraire ! Le film arrive comme un vent de fraîcheur au milieu de cet été très morose cinématographiquement parlant. Réussissant tout ce qu'il entreprend, le film est très drôle et présente une brochette de personnages tous très bien écrits, même les rôles très secondaires. Grâce à ses personnages attachants, le métrage fait s'écouler les 2h40 comme si de rien n'était (alors que c'était principalement le point qui me rebutait le plus). Présentant de grands moments de rire, le film nous laissera toutefois sur une touche plus triste, invitant peut-être même le spectateur à remettre lui-même en question ses acquis par le biais d'un dernier plan au caractère plutôt ambigu.
Assurément un des meilleurs films de l'été que je vous conseille chaudement !


jeudi 18 août 2016

Jason Bourne (2016)

Titre : Jason Bourne

Date de sortie française : 10 août 2016

Réalisateur : Paul Greengrass

Scénario : Paul Greengrass et Christopher Rouse d'après les personnages créés par Robert Ludlum

Directeur de la photographie : Barry Ackroyd

Montage : Christopher Rouse

Musique : David Buckley et John Powell

Durée : 2h03

Avec : Matt Damon, Tommy Lee Jones, Alicia Vikander, Vincent Cassel, Julia Stiles, Riz Ahmed, Ato Essandoh

Synopsis La traque de Jason Bourne par les services secrets américains se poursuit. Des îles Canaries à Londres en passant par Las Vegas... (Source : Allociné)


Mon avis


Si vous vous intéressez un minimum au cinéma, l'évocation du nom de Jason Bourne doit forcément allumer une petite ampoule au-dessus de votre tête. Après avoir redéfini les codes du cinéma d'action-espionnage des années 2000, la saga portée par Matt Damon revient 9 ans après la fin de la trilogie (The Bourne Identity, Supremacy et Ultimatum) avec à nouveau Paul Greengrass aux commandes alors qu'il avait déjà réalisé les deux derniers (et les meilleurs !) Bourne de la trilogie (vous remarquerez que je laisse volontairement le spin-off de côté, pas uniquement parce qu'il est plutôt médiocre mais parce qu'il n'est pas du tout pris en compte pour ce nouvel opus).

Alors que le retour du duo Damon-Greengrass pouvait laisser rêveur, une question méritait tout de même d'être posée : il y'avait-il un réel intérêt à dépoussiérer la franchise et est-ce que Greengrass allait réussir à renouveler celle-ci alors que la société et les problèmes en découlant ne sont plus les mêmes qu'au début des années 2000 ?
Parce qu'il faut dire que les trois premiers volets, en plus d'être de brillants films d'action, ont toujours intégré leur intrigue au milieu d'une société minée par la paranoïa post-11 septembre. De ceci découlaient ces fameuses agences gouvernementales qui, dotées d'une liberté d'action sans limites (ou presque), se retrouvaient mêlées à pas mal d'affaires pas toujours très nettes.

Aujourd'hui, les Etats-Unis (et le monde par extension) vivent dans la crainte d'autres types de menaces. On a bien sûr le terrorisme, qui s'étend de plus en plus, mais également toutes les atteintes à la vie privée avec à nouveau certaines agences dont les méthodes ont été mises sous le feu des projecteurs grâce à Edward Snowden principalement.
C'est justement là que se positionne Greengrass avec ce nouveau Jason Bourne (qui cite d'ailleurs explicitement Snowden) où il est question principalement de surveillance de masse.


Il s'avère au final que le film ne remplit que partiellement son contrat, il est moins percutant et bien moins intéressant dans son intrigue que les trois premiers Bourne. J'en arrive ici d'ailleurs directement au principal problème du film, c'est sa ressemblance avec la trilogie. Alors certes il faut qu'on ait l'impression de regarder un Jason Bourne (je reviendrai sur l'aspect visuel pur plus loin) mais on sent tout de même que la prise de risque a été moindre. Ce n'est pas tant un problème d'écriture mais plutôt le fait que le schéma narratif qui faisait la force des Bourne a été vu et revu un nombre incalculable de fois depuis. Pour vous donner une idée, on retrouve tous les éléments que l'on trouvait déjà dans les premiers films : phases d'espionnage, de cache-cache, de combat au corps à corps, de course-poursuite, etc.
Tout ceci amène à une première moitié de film pas toujours très passionnante si l'on excepte le passage à Athènes assez incroyable. Le film se décante véritablement dans sa seconde partie et devient alors véritablement intéressant et jouissif.

Si le fond laisse donc parfois à désirer, il serait difficile d'en dire autant sur la forme tant Paul Greengrass nous démontre une nouvelle fois à quel point il maîtrise son sujet.
J'aime beaucoup l'épisode de Doug Liman mais, à mes yeux, l'identité visuelle de la franchise s'est véritablement forgée à partir du moment où Greengrass a débarqué. Ce style très documentaire, l'utilisation maîtrisée de la shaky cam et un montage très nerveux, le tout couplé à cette tension toujours très présente, on ne peut pas s'y tromper, le réalisateur britannique n'a rien perdu de sa superbe.
Le travail de Greengrass est en plus parfaitement magnifié par la très belle photographie de Barry Ackroyd, particulièrement durant les scènes de nuit (la séquence à Las Vegas est particulièrement parlante à ce niveau, c'est vraiment sublime !).


Le casting est imposant à première vue mais tous ne se valent finalement pas. Matt Damon est toujours excellent en David Webb / Jason Bourne alors même que c'est certainement l'épisode où il a le moins de dialogue (alors qu'il n'est déjà pas bien bavard de base). Alicia Vikander fait le job, tout comme Vincent Cassel même si j'ai trouvé que le personnage de ce dernier n'était pas forcément bien écrit, principalement en ce qui concerne ses motivations.
Celui qui s'en sort le moins bien est finalement Tommy Lee Jones, non pas que sa performance soit mauvaise (il est très bon pour tirer la gueule et le rôle lui va à merveille dans ce sens) mais plutôt car il fait plutôt pâle figure à côté des anciens "chefs" que Bourne a eu à affronter par le passé.

Tout ceci se conclut, comme d'habitude, sur une version réarrangée de Extreme Ways plutôt agréable et qui nous rappelle une dernière fois, pour ceux qui auraient dormi jusque-là, que nous sommes en territoire connu. Finalement ceci est un peu à l'image du film : tout, absolument tout transpire le Jason Bourne que nous avons tant apprécié dans les années 2000, à tel point que le renouvellement peine à montrer le bout de son nez.
Souffrant de la comparaison avec ses prédécesseurs en ce qui concerne le fond, ce 5ème opus (le 4ème avec Damon) brille toujours autant par sa forme avec cette nervosité, ces moment de tension et ces bastonnades dans des espaces restreints.
Maintenant, est-ce que j'aurais envie d'une éventuelle suite ? Difficile à dire, la franchise risque de s’essouffler très rapidement à ce rythme et je préfère garder en tête la mini-révolution qu'avait été la trilogie plutôt que de penser à un éventuel déclin dont ce Jason Bourne porte déjà quelques stigmates.
Il n'en demeure pas moins que nous tenons là le meilleur blockbuster de l'été (un peu par défaut, tant la concurrence est à la ramasse).


mardi 21 juin 2016

The Neon Demon (2016)

Titre : The Neon Demon

Date de sortie française : 8 juin 2016

Réalisateur : Nicolas Winding Refn

Scénario : Nicolas Winding Refn, Mary Laws, Polly Stenham

Directeur de la photographie : Natasha Braier

Montage : Matthew Newman

Musique : Cliff Martinez

Durée : 1h57

Avec : Elle Fanning, Jena Malone, Bella Heathcote, Abbey Lee, Keanu Reeves, Christina Hendricks, Desmond Harrington


Synopsis Une jeune fille débarque à Los Angeles. Son rêve est de devenir mannequin. Son ascension fulgurante et sa pureté suscitent jalousies et convoitises. Certaines filles s’inclinent devant elle, d'autres sont prêtes à tout pour lui voler sa beauté. (Source: Premiere.fr)


Mon avis


Nicolas Winding Refn est un cinéaste très intéressant à analyser au vu de sa carrière mais également par rapport à son évolution, principalement depuis l'immense succès de Drive en 2011.
Le cinéaste danois a commencé sa carrière en filmant le milieu de la drogue à Copenhague dans Pusher et a tout de suite mis une claque par sa maîtrise de la caméra-épaule et sa retranscription très froide de la capitale danoise.
Bleeder avait certains défauts d'un premier film que n'avait pas Pusher justement mais il restait dans la continuité de celui-ci.
C'est avec Inside Job qu'il se tourne pour la première fois vers un aspect beaucoup plus esthétique, laissant de côté des influences scorsesiennes pour aller piocher de manière évident chez Kubrick et Lynch entre autres. Le premier film de Refn en langue anglaise et un immense échec et il décide alors de faire de Pusher une trilogie afin de retrouver le mojo. Bien lui en a pris puisque le deuxième Pusher est aujourd'hui un des meilleurs (si ce n'est LE meilleur) film de sa filmographie et que ça lui a permis de connaître une certaine renommée qui lui permettra par la suite de tourner Bronson, réminiscence évidente de Orange Mécanique, puis Valhalla Rising. C'est d'ailleurs à partir de ce dernier que débute vraiment le tournant ultra-esthétique de la carrière de Refn qui décrochera d'ailleurs le prix de la mise en scène du Festival de Cannes pour Drive deux ans plus tard.

Ce succès propulse Refn parmi les meilleurs auteurs contemporain mais lui monte également à la tête. Suivant un peu les pas d'un Lars von Trier, le cinéaste danois adopte dès lors un ton assez provocateur et sort par la suite Only God Forgives, qui a énormément divisé à Cannes (pour le plus grand plaisir de son auteur) et que je n'ai pas vraiment aimé, tant j'ai trouvé que l'esthétisme prenait vraiment le pas sur le fond alors que jusque-là Refn avait toujours réussi à mettre son visuel au service de son art et non pas l'inverse.
J'ai cependant toujours séparé l'homme de l'artiste et même si Refn a chopé le melon, si les films sont de qualité c'est vraiment l'essentiel. C'est la raison pour laquelle j'attendais quand même The Neon Demon, vendu par son auteur comme une sorte de film d'horreur dans l'univers de la mode. Ne voulant pas manquer l'occasion de voir mon premier NWR au cinéma, j'y suis allé très enthousiaste et en suis ressorti complètement soufflé !


The Neon Demon c'est peut-être le délire formel ultime de son auteur qui en est arrivé à un point où il n'en a plus rien à battre : il sait que son film divisera et il adore ça. Le ton est assez vite donné, le film débute, on a le générique d'introduction avec un NWR stylisé YSL, symbole précoce de l’égocentrisme de son auteur qui fait de son nom une marque à part entière.
Car oui, The Neon Demon est prétentieux, certainement un des films des plus prétentieux qu'il m'ait été donnée de voir d'ailleurs mais pourtant...
La beauté du film égale sa prétention et éclipse presque tout le reste. Cependant, si ça m'avait gêné dans Only God Forgives, je suis ici complètement rentré dans le délire.

Le film en soi est déjà une grande évolution dans le cinéma du réalisateur danois. Pour la première fois, il met une femme au centre de son récit, lui normalement habitué aux hommes déviants et violents. Ici, la pureté de Elle Fanning contraste totalement avec ce que nous propose Nicolas Winding Refn habituellement. Il y a d'ailleurs beaucoup de femmes dans le film, tous les personnages principaux en sont (pas étonnant me direz-vous pour un film qui parle de la mode).

C'est d'ailleurs presque une suite naturelle des choses que Refn parle de la beauté dans ce film, son Only God Forgives avait été critiqué en grande partie parce qu'il ne proposait rien de plus que sa beauté formelle. Le cinéma du réalisateur a toujours été beau, voir contemplatif dans Valhalla Rising, et il y a une phrase que prononce un des personnages de The Neon Demon qui résume bien le tournant qu'a pris la carrière de Refn : "Beauty is not everything, it's the only thing"...
Ce n'est d'ailleurs pas le seul parallèle qui peut être fait avec la carrière du cinéaste ; le personnage de Jesse, d'abord toute sage et pure, va petit à petit faire sortir son ego quand elle va se rendre compte à quel point sa beauté fait des jalouses, ça ne vous rappelle pas quelqu'un ?


Il n'en demeure pas moins que la formule a totalement marché sur moi. Plus que jamais, NWR fait ce qu'il veut, il nous emmène au cœur de séquences toutes plus folles visuellement les unes que les autres (mention particulière à la scène du défilé et au shooting photo de Jesse), remplies de néons et de lumières stroboscopiques, je me suis vraiment cru dans un rêve à certains moments.
Le tout est en plus saupoudré des nappes électro de Cliff Martinez qui signe certainement une des meilleures BO de l'année (avec celle des 8 Salopards), ça devient d'ailleurs une habitude quand il collabore avec Refn.

J'ai été plusieurs fois à deux doigts d'être totalement hypnotisé et ça aurait peut-être été le cas si le choix de casting avait été un peu plus judicieux. Elle Fanning est certes une très jolie actrice mais NWR n'arrive pas à la magnifier comme l'avait si bien fait Woody Allen avec Emma Stone par exemple. En fait, je trouve carrément Jena Malone plus canon que Elle Fanning et ça casse un peu le truc car Jesse est censée être la femme qui subjugue, qui attire tous les regards, moi j'avais plutôt les yeux posés sur Malone quand elle apparaissait.

Il y a également un symbolisme poussé parfois à la limite de l’auto-parodie par Refn, comme le coup des miroirs (censés refléter la beauté extérieure des protagonistes) qui apparaissent dans énormément de scènes sans avoir toujours un réel intérêt. Il y a tout de même une séquence qui exploite très bien les miroirs, celle de la rencontre entre Jesse et Ruby avec ce champ/contre-champ du reflet des deux protagonistes et la pauvre Jesse écrasée dans le coin du cadre. C'est assez sobre mais la scène instaure déjà clairement les rapports de force.


Certes le film ne vas pas se faire que des amis, certes il va certainement se faire cracher dessus par ceux totalement hermétiques au style du cinéaste qui ne vont pas se réconcilier avec lui avec ce Neon Demon. Je ne pourrais vraiment leur en tenir rigueur parce que, sur le papier, le film avait vraiment tout pour me déplaire. Sauf que, contrairement à Only God Forgives, je suis entré dedans dès les premières secondes et j'ai accepté ce que Nicolas Winding Refn me balançait à la figure simplement parce que c'est d'une beauté à tomber par terre, tout en ne laissant pas pour autant de côté la violence chère au réalisateur (il y a cette scène de nécrophilie complètement folle, puis ce final clairement too much mais avec sa part de dérision, ce qui manquait à la scène de torture de OGF par exemple).

The Neon Demon c'est un tout, un mariage entre le son et l'image qu'il faut expérimenter devant un grand écran pour capter toute l'ampleur de la mise en scène de NWR. Le danois radicalise encore plus son cinéma, comme s'il voulait tester jusqu'où il pourra aller dans son délire avant de se brûler les ailes...
Est-ce mon Refn préféré ? Il est encore trop tôt pour le dire, il n'en demeure pas moins qu'il se hisse sans problème dans le haut du panier aux côtés de Drive et des deux premiers Pusher.
Le terme de "film d'horreur" était certes exagéré (le seul moment où j'ai eu un peu peur c'est durant la scène du puma), il n'empêche que c'est un film qui continue de me hanter aujourd'hui encore et qui va continuer de mûrir encore un petit moment dans ma petite tête qui s'est prise deux claques en l'espace de quelques jours avec Elle puis ce Neon Demon...Si Refn continue à faire des films comme ça, il peut le garder sans problème son melon !


jeudi 9 juin 2016

Elle (2016)

Titre : Elle

Date de sortie française : 25 mai 2016

Réalisateur : Paul Verhoeven

Scénario : David Birke d'après le roman "Oh..." de Philippe Djian adapté par Harold Manning

Directeur de la photographie : Stéphane Fontaine

Montage : Job ter Burg

Musique : Anne Dudley

Durée : 2h10

Avec : Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Anne Consigny, Charles Berling, Virginie Efira, Judith Magre, Christian Berkel, Jonas Bloquet, Alice Isaaz

Synopsis Michèle Leblanc est agressée et violée dans sa grande maison de banlieue parisienne où elle vit seule. Elle ne porte pas plainte par la suite et reprend sa vie entre sa société de jeux vidéo qu'elle dirige avec son amie Anna, sa liaison avec Robert le compagnon de celle-ci, son fils Vincent, son ex-mari Richard, ses voisins Patrick et Rebecca. (Source : Wikipédia)


Mon avis


On l'aura attendu le retour de Paul Verhoeven ! 10 ans se sont en effet écoulés depuis son dernier long-métrage, Black Book, et depuis un silence radio brisé qu'à l'occasion du téléfilm Tricked filmé par Verhoeven en 2012.
C'est donc en France que le Hollandais violent effectue son grand retour avec une adaptation du roman Oh... de Philippe Djian (que je n'ai pas lu). D'abord prévu pour être tourné aux Etats-Unis, Verhoeven ne trouve aucune actrice acceptant de jouer un rôle aussi amoral et aucune boite de production pour financer un tel projet. Il décide donc de retourner en France, pays d'origine du livre et lieu où se passe l'intrigue et choisi Isabelle Huppert pour tenir le rôle-titre, accompagnée d'un gros casting de rôles secondaires.

Pourtant, la bande-annonce ne laissait clairement pas rêveur, le montage étrange faisant penser à un vulgaire téléfilm tourné par un réalisateur de qualité. On pouvait alors croire que le réalisateur hollandais avait perdu le mojo mais les bons retours de Cannes où le film était présenté en compétition officielle et l'excellent accueil qu'il a eu à sa sortie redonnait espoir à tous ceux (dont je faisais partie) qui s'étaient fait berner par la bande-annonce. Et mon dieu, jamais je n'ai été autant heureux d'avoir douté tant le film est une claque !


On voit tout de suite ce qui a pu intéresser à ce point Paul Verhoeven dans le roman de Djian : cette femme qui se fait violer et qui, au fur et à mesure, va développer une relation très malsaine avec son agresseur. Le ton est tout de suite donné, on est replongé dans la violence physique et psychologique dont raffole le réalisateur de RoboCop mais le malsain atteint cette fois-ci un pic. Là où Verhoeven fait fort, c'est que le film est également très drôle par moments et qu'il jongle constamment entre des moments d'une glauquitude absolue et des passages complètement hilarants, allant même jusqu'à mélanger les deux pour en arrive à un point où on ne sait plus vraiment si on rigole parce que c'est malsain ou si c'est malsain justement parce qu'on rigole (souvent jaune) de ce que l'on voit.

Isabelle Huppert est pour beaucoup dans cette balance incessante entre malaise et rire. Il faut dire qu'elle est née pour jouer ce genre de rôle, j'ai du mal à imaginer n'importe quelle autre actrice à sa place, tant celle-ci est devenue un genre à elle tout seule...ce n'est d'ailleurs pas par hasard que Michael Haneke en a fait son actrice fétiche, tant elle colle bien à ce genre d'univers. Elle joue parfaitement la bourgeoise un peu hautaine et rend son personnage jouissif à regarder alors qu'il aurait pu être insupportable incarné par n'importe qui d'autre.

Le reste du casting, dirigé de main de maître par Verhoeven (même Virginie Efira), est tout aussi excellent. Chaque personnage est ambigu, un peu timbré on ne sait jamais vraiment si c'est du lard ou du cochon et aucun n'est cliché, d'autant plus que Verhoeven ne porte jamais de jugement sur ceux-ci, ils existent simplement avec toutes leurs qualités et leurs défauts. Mention spéciale à Jonas Bloquet qui joue le fils de Michèle et qui est d'une telle stupidité qu'il en devient attachant. Le seul personnage vraiment blanc est celui interprété par Virginie Efira, croyante jusqu'au bout des orteils et dont les dernières paroles, à la fin du film, n'auraient pas pu être plus lourdes de sens.


Comme à son habitude, le Hollandais violent joue avec les codes, les détourne à sa guise. J'en veux pour preuve cette scène incroyable du souper de Noël qui aurait pu être tout ce qu'il y a de plus banal mais vu que ce n'est pas n'importe qui derrière la caméra, la séquence devient d'anthologie ! Déjà, il y a cette hypocrisie entre certains personnages qui ne peuvent pas se piffrer mais font bonne figure l'un en face de l'autre (il y a par exemple Michèle qui dit en cuisine qu'elle va faire exprès de laisser un cure-dent dans les amuse-gueule pour que la copine à son ex-mari se fasse mal avec). Puis il y a toujours cette ambiguïté, ce jeu entre ce côté dérangeant et une certaine légèreté, comme quand Huppert raconte à Lafitte les atrocités commises par son père d'un air complètement candide alors qu'on entend la messe de minuit en fond, c'est juste génial ce décalage qui rend la scène vraiment hilarante !

Au final, le film va tellement loin qu'on finit presque par oublier qu'il y a une histoire de viol derrière, la révélation ne constitue d'ailleurs de loin pas le climax du film (surtout que j'avais déjà deviné depuis un moment qui était l'agresseur) mais lance au contraire un jeu très chaud entre Michèle et l'homme qui l'a violée, le film grimpe alors encore en intensité jusqu'à la fin où elle se décide enfin d'agir concrètement à son encontre...

Toute cette maestria est accompagnée d'une musique certes discrète mais terriblement efficace, assez cristalline et m'ayant fait un peu penser à ce qu'on trouvait dans Basic Instinct. En plus, fait assez rare qui mérite d'être signalé, elle est composée par une femme, ce qui fait d'autant plus plaisir quand on sait que le cinéma de Verhoeven est quand même ouvertement féministe (ce qui n'empêche pas certains groupes de féminazis de s'en prendre au film qui ferait, selon elles, l'apologie du viol...on aura tout entendu).


Une chose est sûre, c'est qu'il est difficile de ressortir intact de Elle, il m'a bien fallu une bonne nuit pour me remettre complètement de ce que j'avais vu. C'est un film qui prend aux tripes, qui rend profondément mal à l'aise tout en nous décrochant régulièrement des rires. Paul Verhoeven ne se refuse rien et on ne peut que le remercier de nous offrir un tel niveau de maestria. C'est finalement le cinéma français qui ressort gagnant de tout ça en acceptant de produire ce que les américains voient d'un mauvais œil, mais bon c'est sûrement trop leur demander de chercher de l'originalité.
Elle est mon film de l'année jusqu'à présent et je ne peux que chaudement vous le recommander, un chef-d'oeuvre (et c'est rare que j'utilise de tels superlatifs) !


jeudi 2 juin 2016

X-Men: Apocalypse (2016)

Titre : X-Men: Apocalypse

Date de sortie française : 18 mai 2016

Réalisateur : Bryan Singer

Scénario : Simon Kinberg, Bryan Singer, Michael Dougherty et Dan Harris, basé sur les personnages créés par Stan Lee et Jack Kirby

Directeur de la photographie : Newton Thomas Sigel

Montage : Michael Louis Hill et John Ottman

Musique : John Ottman

Durée : 2h24

Avec : James McAvoy, Michael Fassbender, Jennifer Lawrence, Nicholas Hoult, Oscar Isaac, Rose Byrne, Evan Peters, Sophie Turner, Tye Sheridan, Olivia Munn, Josh Helman

Synopsis Depuis l'aube de la civilisation, il a été vénéré comme un Dieu. Apocalypse, le premier et le plus puissant des mutants de l'univers X-Men, a collecté les pouvoirs de nombreux autres mutants, devenant immortel et invincible. Se réveillant après des centaines d'années, il est désabusé par ce nouveau monde et recrute une équipe de puissants mutants, dont un Magnéto découragé, pour purifier la race humain et mettre en place un nouvel ordre mondial, sur lequel il compte régner. Alors que le sort de la Terre est en jeu, Mystique, avec l'aide du Professeur Xavier doit diriger une équipe de jeunes X-Men pour tenter d'arrêter leur plus grand ennemi et sauver l'humanité de la destruction totale. (Source : Premiere.fr)


Mon avis


En 2014, Bryan Singer reprenait les rênes de la saga X-Men qu'il avait initié en 2000 et qui avait renouvelé le genre du film de super-héros à l'époque avec ses thématiques très actuelles de l'acceptation de soi et de la peur de l'étranger. Alors que Matthew Vaughn avait "rebooté" la franchise avec X-Men: Le commencement qui présentait la jeunesse de nos mutants favoris (le film était plutôt bon malgré de nombreuses fautes de goût), Singer sortait par la suite X-Men: Days of Future Past qui demeure jusqu'à présent le meilleur film de super-héros des années 2010.
Un visionnage récent de la version Rogue Cut du film m'avait d'ailleurs conforté dans cette position, tant l'intelligence et la sobriété du film ne pouvait laisser qu'admiratif, surtout quand on voyait le bordel chronologique auquel était confronté le réalisateur de Usual Suspects.

Voir Bryan Singer rempiler pour le troisième volet de cette nouvelle trilogie était déjà une bonne nouvelle en soi, encore fallait-il réussir à apporter quelque chose de neuf, à se renouveler pour proposer autre chose que ce que proposent tous les films estampillés Disney/Marvel ou Warner/DC sortis ces dernières années.
Autant le dire de suite, je suis un peu déçu, principalement parce que le film tombe dans les travers qu'avait parfaitement esquivé Days of Future Past il y a 2 ans.


Comme son nom l'indique, l'intrigue du film se concentre sur Apocalypse, le premier de tous les mutants qui a acquis de nombreux pouvoirs au fil des millénaires en transférant son esprit dans le corps d'un autre mutant afin d'acquérir sa capacité.
Lors d'un de ces transferts, il est trahi et des gardes tentent de l'assassiner, il est sauvé par une de ses fidèles mais restera endormi au cœur de sa pyramide détruite jusqu'en 1983 où il sera enfin réveillé.
Enragé par sa trahison, il recrute 4 cavaliers de l'Apocalypse afin de forger un monde sur lequel il régnerait en maître. Parmi ces 4 cavaliers, on retrouve Tornade, Psylocke, Archangel et, surtout, Magnéto qui vivait des jours heureux avec sa femme et sa fille en Pologne avant que ces deux ne soit tuées.

La partie avec Magnéto en Pologne est intéressante dans un sens car ça nous permet de voir comment un mutant vit sa vie de prolétaire mais c'est surtout un prétexte pour amener un drame dans la vie de Erik Lehnsherr (Michael Fassbender) et ainsi le faire passer du côté d'Apocalypse. Si je parle de prétexte, c'est que Magnéto a un côté obscur en lui en que ça a toujours été la cause de ses actes sans qu'il n'y ait besoin d'un événement traumatisant à chaque fois.

De manière générale, l'écriture est vraiment un cran en-dessous de ce que fait Singer habituellement. C'est particulièrement choquant pour les cavaliers qui, à part Magnéto, n'ont pas vraiment de motivations particulières pour rejoindre Apocalypse si ce n'est que celui-ci peut améliorer leurs pouvoirs. Et même avec ça, je les trouve au final très limités, ils n'ont jamais vraiment d'impact sur la bataille et se contentent de faire ce qu'Apocalypse leur ordonne.


En plus de l'écriture, le film tombe également dans les travers qu'avait réussi à magnifiquement éviter Bryan Singer avec Days of Future Past, à savoir une orgie de CGI, particulièrement sur la fin qui sombre un peu dans le n'importe quoi (malgré de bonnes idées qui émergent comme le combat dans l'esprit de Charles Xavier). La scène qu'on pourrait désormais qualifier de "signature" de Quicksilver est assez symptomatique de ce problème : ça en fait trop. Ça reste bien évidemment très impressionnant et bien réalisé mais, en plus de l'effet de surprise qui n'est plus présent, c'est poussé vraiment trop loin alors que la scène de la cuisine dans DOFP brillait par sa sobriété (tout comme le film dans son ensemble).

Après, c'est certes too much et trop "blockbusterisé", il n'en demeure pas moins que le film contient infiniment plus d'idées de cinéma que n'importe que super-film sorti ces derniers temps et ça fait quand même du bien de voir ça après s'être tapé Civil War il y a 1 mois !
Niveau réalisation, ça reste quand même du solide, Singer filme toujours très bien l'action et on a à nouveau une photographie léchée, très colorée qui fait plaisir à voir dans un film du genre.
Il y a aussi le charisme toujours intact de Michael Fassbender et James McAvoy, même si ce premier tient une place beaucoup moins importante que dans Days of Future Past.

Apocalypse en soi n'en impose pas vraiment (pourtant j'adore Oscar Isaac), la faute à un design totalement quelconque. Il se fait en plus avoir un peu comme un bleu (si vous me passez l'expression) sur la fin grâce au fameux "pouvoir de l'amitié" alias "si on se met tous ensemble on est meilleurs", un cliché assez lourdeau dont aurait pu aisément se passer le film.


Alors certes le film est une déception, surtout si on le compare à Days of Future Past qui était une grande réussite, mais paradoxalement c'est exactement le genre de film de super-héros que j'ai envie de voir, avec un véritable auteur à la barre qui est capable d'apporter des idées de mise en scène, même si le reste est un peu bancal.
D'un autre côté, je pense aussi qu'il serait temps que Singer passe gentiment à autre chose car on voit déjà apparaître dans ce X-Men : Apocalypse certains des syndromes du film de trop. Malgré ses défauts, ce troisième volet de la nouvelle trilogie X-Men initiée avec First Class s'impose sans trop de problèmes comme le meilleur super-film de l'année, en attendant éventuellement une bonne surprise de la part de Suicide Squad cet été.